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de Bismarck à son ambassadeur à Paris, d’Arnim, du 12 mai 1872 ; M. Thiers espérait hâter la libération de notre territoire en remettant en gage à l’Allemagne deux milliards de valeurs mobilières non françaises ; Bismarck refusa : « Pour des raisons que je dois respecter et reconnaître, Sa Majesté tient aux garanties territoriales. Cette pensée du souverain correspond à celle d’importantes autorités militaires qui sont inquiétées par les armements de la France et par la répartition de ses forces de combat et qui attachent plus de valeur à une position dans laquelle nous sommes immédiatement prêts à la guerre qu’à des avantages financiers. »

La prise de gages, que ce soit l’occupation de la Ruhr ou toute autre, apparait à la France non pas comme une fin, mais comme un moyen ; il s’agit de contraindre les Allemands à assainir leurs finances, à stabiliser leur monnaie, à réparer les ravages qu’ils ont faits en Belgique et en France. Si nos alliés nous proposent un autre moyen, qui ne soit pas un leurre, d’arriver au résultat, si les Allemands eux-mêmes nous apportent des propositions qui ne soient pas dérisoires, nous sommes prêts à les examiner avec le désir de les trouver acceptables. L’opinion publique, en France, est convaincue qu’il faut frapper, quelque part et par des moyens à choisir, un coup de forée : la France n’a fait que trop de sacrifices à la bonne harmonie avec ses alliés, elle n’en est payée que par un redoublement de calomnies et d’injustices ; le temps est enfin venu de changer de méthode. La France est absolument résolue à faire payer à l’Allemagne les réparations ; ni le déchaînement de la presse germanophile, ni la menace de provoquer la chute du franc, ne la détourneront d’une décision longtemps mûrie et différée. Il est bon qu’on le sache, mais il faut aussi qu’on sache qu’elle ne s’y résout qu’avec regret et parce qu’on lui ferme toute autre issue. L’Allemagne, mal conseillée par les Keynes et les d’Abernon, mal dirigée par les magnats de la grande industrie, a choisi la mauvaise voie ; elle s’est réfugiée dans le maquis de la chicane, de l’inertie, de l’inflation monétaire ; elle ne s’est prêtée à aucun moyen de réparations ; sa presse a mené contre nous les campagnes les plus venimeuses, les plus calomnieuses, dans l’espoir de nous obliger à renoncer à la fois aux réparations et à l’occupation, et à réviser le traité de Versailles. Nous souffrons par sa mauvaise volonté ; il est juste que les conséquences en retombent sur elle. Pour tout esprit politique, il est évident qu’après la terrible liquidation de 1918, le retour de l’Alsace et de la Lorraine à la patrie française et la renaissance de la Pologne,