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d’intérêts : nous le savons et nous y sommes prêts. Mais si ces frontières elles-mêmes sont constamment remises en question, pensez-vous que cela facilitera cette restauration nécessaire ? Beaucoup d’Anglo-Saxons l’ont cru. Ils se sont trompés : « l’événement en fait foi. » Pour rétablir sa vie économique et garantir la stabilité de sa vie politique, l’Europe aurait besoin de l’Amérique. « Je vous répète ma question principale, n’a cessé de leur dire M. Clemenceau : pourquoi avez-vous fait la guerre ? Si vous ne répondez rien, l’histoire dira simplement que vous regrettez d’y avoir participé. » Et il concluait : « Tôt ou tard, il vous faudra revenir. Faites attention qu’il ne soit pas trop tard. »

L’heure des Américains viendra ; l’Europe invoquera leur concours quand il sera devenu possible de réaliser quelque emprunt international pour la stabilisation du mark et le paiement des réparations. On verra alors dans quelle mesure la croisade patriotique du « vieux Tigre » a porté des fruits. Il s’agit pour le moment, entre alliés européens, de décider si un moratorium sera accordé à l’Allemagne et à quelles conditions. Ici encore, c’est un grand procès d’opinion qui est ouvert. En elle-même, la question est fort simple. L’Allemagne, par la note du 14 novembre, se déclare incapable de payer quoi que ce soit ; même pour les réparations en nature, elle oppose la force d’inertie. Il suffit de lire sa presse pour être édifié sur sa bonne foi ; elle ne cédera qu’à la contrainte, mais elle espère que l’opinion anglaise, agissant sur le Gouvernement, empêchera la France de recourir aux moyens nécessaires. Tel est le problème ; il est simple en lui-même, infiniment délicat et complexe dans ses répercussions.

Les pourparlers de Londres, entre les premiers ministres d’Angleterre, de Belgique, de France, d’Italie, assistés de leurs ministres des Finances, commencés le 8, étaient ajournés le 11 et renvoyés à une nouvelle réunion qui commencera à Paris le 2 janvier. D’importantes séances du Parlement réclamaient la présence de M. Bonar Law. La question des réparations et des dettes a été examinée avec le plus vit et le plus sincère désir d’arriver à un accord. Des résultats intéressants ont été obtenus dans cette première prise de contact. L’Aile magne s’est décidée à faire présenter à Londres par M. Borgmann un projet que les ministres alliés ont été unanimes à déclarer insuffisant, mais qui n’en constitue pas moins un premier pas significatif. M. Bonar Law a laissé entendre qu’il ne considérait plus la note Balfour comme la base intangible de la politique du Cabinet britannique ; la presse parisienne s’est trop hâtée d’en conclure que l’Angleterre