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les frais de la guerre. Combien de fois, nous disait une éminente personnalité de Lille, n’avons-nous pas entendu, de la part des représentants de l’autorité allemande, cette menace : « L’indemnité que vous aurez à verser après la guerre sera formidable et devra être payée sans rémission, dussions-nous prendre à chaque Français tout ce qu’il possède, et jusqu’à sa dernière chemise. »

M. Maurice Donnay, retour d’Amérique, a exprimé sur l’Allemagne la même opinion, qu’il s’agit de faire connaître à nos amis américains, pour les ramener à une plus juste compréhension de notre attitude : « On reproche à la France, dit-il, ses exigences, mais que seraient celles de l’Allemagne si elle avait été victorieuse ? Pour se faire payer, elle aurait su trouver même de l’or chez les vaincus. Chaque femme française aurait dû apporter son anneau de mariage au creuset ; au besoin, on le lui aurait arraché [1]. »

Autre temps, autres mœurs, mais ce sont là cependant des souvenirs qu’il est utile d’évoquer, pour faire comprendre à nos alliés, à nos amis, à l’Allemagne elle-même, que si nous ne sommes pas des créanciers inexorables, nous ne voudrions pas, du moins, être des dupes en nous laissant émouvoir par la prétendue détresse financière des vaincus. En rappelant l’exemple de Lille envahie, ruinée par les bombardements, ravagée par l’incendie, écrasée sous le poids des contributions, des réquisitions, des prestations, et portant quand même une charge de plus d’un milliard, nous avons bien le droit de conclure en affirmant que la France doit se faire payer,


MAURICE LEWANDOWSKI.

  1. Revue France-Etats-Unis, septembre 1922.