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SAISIES ET SÉQUESTRES

Pour mieux atteindre la fortune publique, l’autorité allemande n’a cessé de menacer la fortune privée, et c’est là encore une arme redoutable dont elle a su cruellement jouer, pendant toute la durée de l’occupation. Point n’était besoin de procéder directement contre les personnes ; des méthodes plus modernes permettaient d’arriver aux mêmes résultats en frappant les banques où argent et titres étaient déposés.

Dès le 15 octobre 1914, la Ville est frappée d’une contribution de 8 millions sur lesquels, le jour même, doit être versé un premier acompte de 200 000 francs. La Municipalité n’ayant plus de fonds en caisse, l’autorité allemande lui fait savoir qu’elle doit se les procurer sans délai ; sinon, il sera procédé à l’ouverture des coffres-forts dans les banques.

Le 2 janvier 1915, une amende de plusieurs millions est infligée à l’une de nos plus importantes compagnies minières. Celle-ci ayant été incapable de payer une pareille somme, une perquisition est faite chez les banquiers où elle a des soldes créditeurs et dont l’encaisse est immédiatement saisie et enlevée à concurrence du disponible.

Protestation des banques qui se demandent si, n’étant plus à l’abri d’un coup de force, elles peuvent continuer leurs opérations. Voici la situation telle qu’elle est exposée par une lettre au Gouverneur von Heinrich :


Le public s’est ému vivement de diverses visites faites dans plusieurs banques de Lille par les autorités militaires allemandes, afin d’y effectuer certaines recherches à la suite desquelles il fut fait des prélèvements en numéraire.

Les banques de la ville n’ayant plus aucun moyen de se ravitailler comme encaisse et s’alimentant exclusivement par des versements effectués en confiance par une minime partie de la clientèle, nous nous permettons d’attirer la bienveillante attention de votre Excellence sur les conséquences regrettables qu’occasionneraient de nouvelles visites du genre de celles qui ont été faites.

Malgré tous nos efforts pour en atténuer la portée vis à vis du public, nous aurons la plus grande peine à le décider à continuer les versements dans nos caisses, versements qui constituent les seules transactions de banque subsistant encore à Lille.

Nous croyons de notre devoir de mettre votre Excellence au courant de ce qui précède, et avons recours à son obligeance pour la