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des officiers, sous-officiers et fonctionnaires. Les dépenses faites à ce titre, au moyen des billets de logement, furent, pour une seule année, de 1 500 000 francs. Les fournitures de charbon étaient aussi comptées à part et représentaient plusieurs centaines de mille francs.

Tout cela signifie qu’après avoir payé en bloc, la Ville était ensuite contrainte à payer en détail les mêmes dépenses. A ces réquisitions de travaux il faut ajouter celles beaucoup plus importantes opérées chez les industriels et les commerçants, et qui avaient pour but la destruction, ou qui devaient servir à renforcer l’outillage de l’industrie ou du commerce allemand. Ce serait toute une histoire à écrire que celle de la dévastation systématique de nos usines du Nord, dont les matières premières, le matériel, les métiers, les installations mécaniques et électriques étaient transportés pièce par pièce chez leurs concurrents allemands. Des bons de réquisition étaient bien délivrés, mais c’est au Gouvernement français qu’on laissait le soin de payer, plus tard, cette formidable addition.

Il est difficile d’indiquer avec précision le chiffre de ces réquisitions dans les usines, tant était grand l’arbitraire suivant lequel s’effectuaient ces opérations. La Mairie n’a pu enregistrer que celles ayant donné lieu à des remises de bons déposés dans ses caisses, alors que beaucoup d’autres ne comportaient que de simples reçus, dont il est impossible d’établir l’estimation.

Nous trouvons toutefois, dans une publication de la Chambre de commerce de Lille, un état approximatif des réquisitions, enlèvements ou prélèvements en nature, opérés pendant l’invasion dans sa seule circonscription. Le montant s’élève à 712 millions et, si l’on ajoute l’estimation de ce qui n’a pu être exactement chiffré, le total dépasse largement un milliard.

En résumé, les Allemands n’ont jamais payé ni réquisition, ni main-d’œuvre, et ils ont entièrement laissé le poids de cette énorme charge à l’État français, qui doit aujourd’hui le comprendre dans le budget de ses réparations en plus des dépenses de reconstruction. Prétextant leur impossibilité de se procurer sur les marchés neutres, qui leur étaient fermés par le blocus, les matières premières nécessaires à leur subsistance, ils ont saisi en territoire envahi tout ce qu’ils ont trouvé, sans se limiter aux besoins de l’armée occupante, et sans aucune des garanties établies par les lois internationales.