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achetés en Allemagne ou dans ses dépôts, aux frais de la municipalité. Inversement, elle réquisitionnait des marchandises qu’elle n’utilisait pas, mais revendait en Allemagne pour se faire de l’argent. Nous trouvons le fait dans un procès-verbal de la Chambre de commerce de Lille, qui signale ces nouvelles formes de réquisition que n’avait prévues aucune convention internationale.


Si nous passons maintenant aux réquisitions de travaux dont l’autorité allemande exigeait la prestation, nous constatons encore mieux la rigueur de cette oppression financière qui frappait la Ville, en même temps que les particuliers.

La formule suivant laquelle s’effectuaient ces réquisitions, établissait une distinction entre les travaux que la Ville devait exécuter, mais qui lui reviendraient après la guerre, et ceux qui resteraient la propriété allemande. Seuls ces derniers donnaient lieu à la remise d’un bon de réquisition ; quant aux autres objets ou travaux, l’administration militaire laissait aux intéressés le soin d’en réclamer le paiement à l’État français, à la fin des hostilités, distinction bien subtile, puisque, dans les deux cas, l’Allemagne réquisitionnait tout et ne payait rien.

Suivant ce système, la Ville, déjà rançonnée au moyen des contributions, est encore écrasée sous le poids de ces réquisitions, faites sans contrôle et qui atteignent des montants vertigineux. Non seulement elle doit supporter les frais des travaux faits sur son propre territoire, mais elle est contrainte à prendre en charge ceux qui sont exécutés dans les communes avoisinantes» sans pouvoir aucunement discuter leur utilité.

Une lettre du Maire nous apprend qu’après une année d’occupation, les réquisitions atteignaient déjà 2 à 300 millions de francs, sans compter les consignations de matières premières qui s’élevaient à des sommes non moins importantes. A cet énorme montant s’ajoutaient encore les contributions de guerre, amendes, frais d’entretien des troupes et travaux de défense, soit 28 millions.

Or, ce chiffre ne comprenait même pas la totalité des dépenses d’occupation, car après avoir payé, mensuellement, environ 2 millions de francs pour l’entretien des troupes allemandes, la Ville devait encore régler directement aux hôteliers, aux restaurateurs et aux particuliers, les frais de logement et de nourriture