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Ce mécanisme qui est, dans son genre, un chef-d’œuvre de rendement fiscal, scientifiquement organisé, peut se résumer ainsi qu’il suit :

1° Imposer aux régions envahies tous les frais d’entretien de l’armée occupante, par le moyen des contributions, réquisitions et prestations en nature ;

2° Surimposer les villes d’amendes et de contributions, en exigeant le paiement en argent allemand, monnaie d’or ou billets de la Banque de France, et obliger ainsi les municipalités, qui n’ont plus à leur disposition que des bons communaux, à se procurer la monnaie requise, en payant une prime correspondant à la dépréciation de leurs propres billets ;

3° Drainer tous les titres et coupons des pays neutres déposés dans les banques ou chez les particuliers, en les achetant avec les bons qui étaient prélevés dans les villes par voie d’imposition ?

Ainsi, non seulement la guerre ne coûtait rien à l’armée occupante, grâce aux contributions, réquisitions ou prestations en nature, mais encore l’Allemagne se constituait des disponibilités en valeurs internationales pour continuer la lutte avec de l’argent français et étranger. Tel est le système dont nous suivrons le développement dans une série de faits fournis par les documents officiels.

Ce sera toujours Lille qui nous servira d’exemple, parce que là était le siège de l’organisation allemande en pays envahis, comme aussi le centre où la résistance se dressait avec une héroïque ténacité contre toutes les mesures de spoliation. Lorsqu’à été instauré le principe de la solidarité entre des villes et communes d’une même région, sans aucun lien de droit, la capitale du Nord en fut la première victime : au fardeau de ses propres charges vint s’ajouter la plus grande part des contributions imposées à d’autres cités, privées de ressources ou de crédit. De même, c’est elle qui eut à connaître, dans toute leur rigueur, les sanctions pour refus d’obéissance à l’autorité militaire. Lille résume donc bien, dans son émouvante histoire, toutes les luttes et toutes les souffrances de l’occupation, et c’est la suite de son long martyre que nous retracerons, avec la pensée qu’il en sortira, pour le présent, quelques salutaires enseignements.