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DIX-HUIT MOIS
DANS
LES PRISONS BOLCHÉVISTES [1]
1918-1921


VII. — ÉTUDES DE MŒURS

L’attitude de mes compagnes de prison, voleuses et filles publiques avait complètement changé. Lorsque j’avais été amenée à « Novinskaïa Tiurma [2], elles avaient commencé par ne voir en moi que l’étrangère, la « bourlouika. » Je me tenais à l’écart, tâchant d’éviter leurs obscénités et leurs injures et ne me mêlant jamais à leurs disputes et à leurs querelles. Nombre de paroles mordantes et sarcastiques furent lancées à mon adresse, mais je n’y prêtais nulle attention : je me bornais à me tenir à l’écart, pour éviter leurs obscénités et leurs injures. Elles s’aperçurent bientôt que je n’étais pas celle qu’elles avaient cru tout d’abord ; si je pouvais leur venir en aide de quelque manière, je le faisais volontiers ; je leur servais de secrétaire lorsqu’elles avaient quelque réclamation à écrire. Peu à peu elles s’apprivoisaient ; finalement, je devins très populaire parmi elles.

A combien de scènes du pittoresque le plus savoureux n’ai-je pas assisté ! Les représentants du « Département Pénal » venaient souvent visiter notre prison. J’évitais autant que possible

[3]

  1. Copyright by princesse Tatiana Kourakine, 1922.
  2. Voyez la Revue des 15 novembre et 1er décembre.
  3. Prison Novinsky.