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Or, que la connoissance un peu m’est revenuë,
Je voy que le sujet de mes douloureux jours
N’estoit rien que feintise et qu’impudiques tours
D’une que pour mon bien trop tard j’ay reconnuë.

Je rougis de ma honte et voy trop clairement
Qu’Amour n’est point aveugle, ains les siens seulement,
Puisqu’il leur vend du fard pour des beautez divines.

Je t’embrasse, ô dédain ! fin de tous mes malheurs,
Par toy je reconnoy qu’au lieu de belles fleurs
Je cueilloy des chardons et de seiches espines.


Dépouillée bientôt après des vers qu’elle avait inspirés et que Desportes, par suprême vengeance, dispersa dans les canzonieri des autres belles célébrées par lui, Callianthe n’eut d’autre ressource que de chanter, elle aussi, le « contr’amour. » Ce qu’elle fit avec emportement :


Jamais, jamais ne puissiez-vous, mon cœur,
De cest ingrat esprouver la feintise.
Plus tost la flame en mon courage esprise
Brûle mes os d’éternelle rigueur ;

Plus tost l’archer qui causa ma langueur
Change les traictz dont mon âme il maîtrise
Aux traictz de mort, qu’ainsi soit ma franchise
Subjecte aux lois d’un parjure trompeur ;

Plus tost le feu, l’air, la mer et la terre
Soient conjurez à me faire la guerre
Et sans cesser croisse mon desconfort,

Que je consente une telle misère.
Pouvant mourir, trop lâche est qui préfère
Sa vie esclave à une belle mort.


Telle fut la dernière note des poétiques propos de Desportes et de Mme de Villeroy, ces aimables « entre-parleurs » de comédie qui, en jouant aux amants de Vaucluse, nous font songer plutôt à Zerbin dialoguant avec Isabelle sous un clair de lune vénitien.


III

En dehors de ses vers à Ronsard et de ses poésies amoureuses, Callianthe composa de nombreuses pièces, de genres