Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle affichait pour se faire « estimer » dans un siècle où la vertu n’était plus de mode. Elle lui affirma, en lectrice de l’Arioste, qu’aucune eau magique n’aurait sur son esprit le pouvoir d’oubli, comme sur celui, peu « arresté » de la faible Angélique, et lui jura, en guise de conclusion, l’éternelle durée de son amour


Comment peult-il entrer en vostre entendement
Tout céleste et tout beau ce soupçon qui l’entame,
Croyant que mon esprit loge en soy d’autre flamme
Que celle qui prend vie en vos yeulx seulement ?

Au milieu de mon front vous pouvez clairement
Lire ce que je sens gravé dedans le cœur,
Et mes yeux languissans, que vostre amour enflamme,
Vous font assez de foy que j’ayme constamment.

Si cela ne suffit, revenez en vous mesme
Et jugez vos vertus, vostre valeur extrême
Et tout ce qui vous faict jusqu’au ciel estimer.

Dans un si beau miroir vous prendrez asseurance
Que qui du clair soleil a senty la puissance
Jamais d’un autre feu ne se peut allumer.


Si la sincérité de Mme Villeroy, comme d’ailleurs celle de Desportes, n’est pas douteuse, le caractère essentiellement léger de leurs sentiments ne l’est pas moins. Ils eurent conscience de l’amour, l’un et l’autre, mais non la force d’aimer. Aussi leurs vers qui, au point de vue strictement littéraire, l’emportent sur tous ceux que l’on peut lire dans les recueils pétrarquistes publiés entre les Amours et les Sonnets pour Hélène, de Ronsard, ne sont-ils éclairés que d’une flamme assez artificielle. Ils nous charment sans nous émouvoir. Mais comment leur demander une noblesse que n’eurent ni la liaison ni, encore moins, la rupture de leurs auteurs ?

Un équivoque mignon de la cour de Henri III fut la cause de celle-ci. Cette fois, Desportes se fâcha pour tout de bon, et ce ne fut plus en berger des fêtes galantes qu’il parla :


Fort sommeil de quatre ans, qui m’as sillé la veuë,
M’assoupissant du tout en la nuict des amours,
Où est ce rare esprit ? Où sont ces hauts discours ?
Et cette grand beauté qu’est-elle devenuë ?