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pouvait être évoquée devant elle ; le Pérou et la Bolivie la présentèrent donc à sa première assemblée de Genève.

Le secrétaire général répondit aux requérants que leurs demandes, quoique parvenues trop tardivement pour être inscrites à l’ordre du jour, seraient immédiatement présentées à l’assemblée [1]. La délégation bolivienne demanda la discussion de la sienne dans la session suivante.

Dans la session de 1920, la Bolivie exposa en substance que le traité de 1904, résultat de la guerre 1879-1883, l’avait privée par la conquête de tout débouché sur la mer et lui avait enlevé par la violence une province qui avait fait partie de tout temps de son unité nationale. Le Chili répondit que le traité de paix conclu vingt ans après la guerre, dans une atmosphère de sympathie réciproque, avait été jusqu’ici fidèlement exécuté par les deux parties : que le Chili avait construit un chemin de fer entre La Paz et la mer, augmentant les communications économiques de la Bolivie, et que la Société des Nations, fondée principalement pour assurer le respect des traités, n’avait pas qualité pour les discuter.

Dans la session de 1921, la commission des juristes fut consultée par le bureau au sujet de l’interprétation à donner dans le cas particulier à l’article 19 du Pacte, qui prévoit l’intervention de la Société des Nations « pour la révision des traités devenus inapplicables, ainsi que des situations internationales dont la prolongation peut compromettre la paix du monde. » La Commission émit l’avis que la demande de la Bolivie était irrecevable, car aucune modification ne s’était produite qui eût rendu le traité inapplicable, et rien dans la situation ne menaçait la paix du monde.

La cause du Pérou se présentait beaucoup plus favorablement que celle de la Bolivie ; il ne demandait pas la révision d’un traité déjà ancien, mais son exécution sans cesse différée par des retards dont il rejetait la responsabilité complète sur le Chili, on pouvait établir cette responsabilité sur pièces et immédiatement. En tout cas, un arbitrage s’imposait, car l’organisation du plébiscite, déjà difficile en 1894, l’était bien davantage vingt-sept ans après. Ce traité inappliqué était devenu inapplicable dans son texte définitif, et la rupture des relations diplomatiques

  1. Craignant de blesser le nouveau Gouvernement des États-Unis représenté par le président Harding, le Pérou retira sa demande,