Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brouillard, et il fallut reprendre les positions organisées à loisir, après avoir inutilement fatigué les troupes à la veille de la bataille : une telle manœuvre n’était possible qu’avec des troupes très manœuvrières et après une soigneuse préparation.

Un conseil de guerre réuni par le général Baquedano avait examiné l’idée de tourner par l’Est le flanc droit des Alliés, et de les forcer ainsi à accepter le combat face au Nord, en perdant leur ligne de retraite et en abandonnant l’excellente position qu’ils avaient organisée ; la crainte de manquer d’eau fit écarter ce plan, et le général Baquedano se décida pour l’attaque de front ; et le 26 mai, à dix heures du matin, l’artillerie chilienne ouvrait le feu, hors de portée des canons péruviens.

Couverte sur son front et sur ses flancs par des tirailleurs, l’armée chilienne avait en première ligne trois divisions d’environ 2 000 hommes chacune, une quatrième en seconde ligne, avec 3 000 hommes en réserve, et 1 200 cavaliers sur ses flancs : en tout 13 372 hommes, d’après les rapports officiels ; les Boliviens formaient la droite des Alliés sous le colonel Camacho, les Péruviens la gauche, commandés par le contre-amiral Montera. La ligne des Alliés était marquée par la crête du plateau et leur infanterie était déployée à contre-pente ; les projectiles chiliens tombaient derrière elle et s’enfonçaient inoffensifs dans le sable. Après une heure environ de canonnade inutile, l’infanterie dut attaquer, la droite en avant. La gauche des Alliés céda un instant, mais le général Campera engagea ses réserves et rétablit le combat ; ce fut au tour des Chiliens de reculer sur ce même terrain, et au général Baquedano d’y faire donner sa division de seconde ligne en avançant son artillerie. Cette division fraîche, s’engageant au pas de charge, décida du succès sur cette partie du champ de bataille ; le reste de la ligne dut reculer peu à peu, après une résistance acharnée. La réserve chilienne de 3 000 hommes avait été déployée au moment où la division de 2e ligne attaqua, mais elle ne fut pas engagée, non plus que la cavalerie. Sur 9 000 hommes qui combattirent réellement, les Chiliens eurent 486 tués et 1 632 blessés, soit 2 128 hommes hors de combat. Les Alliés, sur 7 300, perdirent environ 2 800 hommes hors de combat, dont 147 officiers tués, soit plus du tiers de l’effectif et 500 prisonniers. La victoire avait été chaudement disputée, et, à deux reprises, la balance sembla pencher du côté des Alliés. Les Aymaras et les descendants des Incas rivalisèrent