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Angleterre, une réalité. » Ces paroles sont de l’ancien évêque anglican d’Oxford, M. Gore, et les conclusions auxquelles est arrivé ce très érudit chercheur, au sujet du caractère historique de l’institution épiscopale, s’accommodent beaucoup mieux de la foi romaine que des négations du XVIe siècle.

Pareillement, les plumes savantes et ferventes auxquelles, en 1917, le primat de Cantorbéry demandait des Essais sur l’ancienne histoire de l’Église et sur le ministère ont témoigné, dans ce livre qui fait époque, qu’elles conçoivent désormais la primitive Eglise comme une grande communauté fondée par le Christ travaillant par son Esprit dans la personne des Apôtres, et nécessairement unique [1]. Il est permis de voir, dans de pareilles manifestations de science et de piété, des étapes, — je ne dirais pas encore : vers Rome, — mais vers certains horizons romains ; et l’on constate même qu’un certain groupement anglican dénommé Catholic league, assez activement associé au mouvement « anglo-oriental, » cultive avec attrait la dévotion au Sacré-Cœur, au Précieux Sang du Christ, et invite ses membres ecclésiastiques à se placer sous le patronage de saint Charles Borromée et à se servir du bréviaire romain [2].

Et voici se dessiner un autre phénomène, non moins curieux : dans leur aspiration vers une fraternité plus étroite, ce « catholicisme ») anglican et ce slavisme « orthodoxe » étudient les divergences qui les séparent. Le patriarche actuel de Russie, Tykhôn, lorsque, en 1905, il était évêque de l’orthodoxie dans l’Amérique du Nord, ouvrit un jour à un ministre anglican les rangs de son clergé ; mais quelques soubresauts qu’en dussent éprouver les fiertés anglicanes, il tint à ce que ce ministre fût réordonné : Tykhôn pensait, comme l’avait conclu Léon XIII, que les ordinations anglicanes, depuis le XVIe siècle, manquaient de validité. Le théologien anglican Puller, lorsque, en 1912, il vint causer à Pétrograd avec des représentants de l’épiscopat slave, leur demanda : « Que pensez-vous du Saint-Esprit ? Nous croyons, nous, qu’il procède du Père et du Fils. » — « Nous enseignons substantiellement la même doctrine, malgré la différence de formule, » lui répondit l’évêque Euloge, de Khelm [3]. Cet évêque Euloge, c’était un tenace adversaire du Siège de

  1. D’Alès, Études, 5 juillet 1019, p. 5-23.
  2. Michel d’Herbigny, Études. 29 octobre 1920, p. 166-170.
  3. Michel d’Herbigny, Etudes, 20 octobre 1920, p. 147-149 et 155.