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le patriarche Tykhôn et l’archevêque de Cantorbéry contenaient tous deux cette phrase : « C’est vers l’Eglise chrétienne, unie à travers le monde dans les liens de notre sainte foi, que les yeux humains doivent regarder, aux heures de ténèbres et de confusion, pour obtenir lumière et salut. » Pendant les tragiques malheurs de la Serbie, un archevêque de l’Orient, des étudiants serbes en théologie, trouvèrent dans l’anglicanisme accueil et foyer. Dans ce palais de Lambeth où résidèrent, avant la Réforme, les archevêques catholiques romains de Cantorbéry, et dont le dernier occupant catholique romain, Reginald Pole, réconcilia l’Angleterre avec Rome sous Marie Tudor, une conférence « pananglicane » s’est tenue, en juillet et août 1920 : elle groupa 252 archevêques, métropolitains et évêques de l’anglicanisme, qui voulaient constituer une Eglise « catholique, » c’est-à-dire une Eglise « où tous se sentiraient solidaires en Christ, participant à la vie et à l’esprit du Christ ; » et l’on vit paraître à cette conférence un évêque de Thrace, délégué par le patriarche de Constantinople. Ce sont là des démarches complexes, émouvantes, et qui, par un subtil mélange, recèlent une ébauche d’hommage à l’Eglise de Rome, et tout en même temps, parfois, de sérieuses menaces contre cette Eglise.

Car d’une part, en définitive, ces démarches marquent une atténuation de l’esprit de schisme, qui jadis amena l’Orient a se détacher, à s’isoler ; elles indiquent, suivant les expressions si frappantes de M. Harold Hamilton, que « les chrétiens de la génération présente sont en quête d’un organe d’unité, que les forces centrifuges sont épuisées [1] ; » elles attestent que, dans les établissements religieux issus de la Réforme du seizième siècle, la notion d’une Eglise invisible a cessé de suffire à beaucoup d’âmes, et qu’elles ont, au bout de trois cents ans, commencé de se représenter l’Eglise du Christ comme un être visible, comme un être historique, dont le fondateur fut soucieux d’assurer la prolongation et la perpétuité. « Nous sentons que l’état de division où nous voyons réduit le corps du Christ est intolérable, strictement intolérable. Le titre séduisant du livre de Newman Smyth, Passing protestantism and coming catholicism (Le protestantisme qui passe et le catholicisme qui vient), et tout ce que dit le livre lui-même, représente en Amérique et, je pense, en

  1. Batiffol, Revue des Jeunes, 10 septembre 1920, p. 509.