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les inconvénients de son isolement politique et économique, et la nécessité pour elle d’inaugurer avec la Pologne des relations diplomatiques et consulaires ; plus tard viendrait peut-être un rapprochement politique plus étroit. La France, alliée de la Pologne, mais qui a toujours suivi avec intérêt le développement du nouvel État lituanien, est particulièrement qualifiée pour un rôle de conciliation et d’arbitrage entre les deux États. Le président du Conseil lituanien, M. Galvanowski, qui a été reçu le 7 par M. Poincaré, paraît se rendre compte qu’entre la Pologne et la Lituanie, un rapprochement est souhaitable et que la France pourrait en être l’instrument. Un protocole annexé à la Convention de Varsovie réserve à la Lituanie sa place dans le concert baltique le jour où, reconnue de jure, elle se déciderait à la réclamer.

La Conférence de Varsovie a ému le Gouvernement des Soviets ; il y a vu un succès de la politique française et il s’est empressé d’inviter les États baltiques à une conférence à Riga ; en même temps, M. Tchitchérine, usant d’intimidation, concentrait des troupes sur les frontières. Il y eut quelque alarme parmi les États baltiques coincés entre la Russie et la mer ; mais il est avantageux à la Russie que les ports de Riga, de Liban, de Revel soient administrés par la Lettonie ou l’Esthonie plutôt que par des communistes qui ne tarderaient guère à les rendre impraticables. A la réunion de Riga (30 mars), des vues ont été échangées sur la Conférence de Gênes ; M. Tchitchérine, sur un ton impérieux, faisant appel à la solidarité des États baltiques, les a mis en demeure de choisir. « C’est aujourd’hui ici, et demain à Gênes, que la Russie comptera ses amis et ses ennemis. » Les délégués des États baltiques se sont laissés entraîner à émettre un vœu en faveur de la reconnaissance de jure du Gouvernement des Soviets qui, en échange, leur a promis de respecter et d’exécuter les traités de paix.

Voilà dans quelles conditions et sous quels auspices les États européens entrent, sans les États-Unis, à la Conférence de Gênes.


RENE PINON.


Le Directeur-Gérant :

RENE DOUMIC