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se borne pas à des précautions ; ses techniciens apportent, sur toutes les questions essentielles, des solutions étudiées. Le programme comprend deux parties : pour l’Européen général, amélioration des changes, des transports, emprunts, crédits, etc. ; pour la Russie des Soviets, il s’y ajoute : garanties de sécurité, moyens de paiement, reconnaissance des dettes anciennes, etc. La première condition pour que la Russie puisse se relever, nourrir sa population et, à la longue, rétablir ses finances par l’exportation de ses immenses richesses naturelles, c’est que les étrangers y puissent pénétrer, vivre, travailler, diriger des usines, transporter des marchandises, en toute sécurité pour leurs personnes et leurs biens. Le jour où Français, Anglais, Allemands, Polonais, Tchèques, etc., qui possédaient des immeubles ou des entreprises en Russie seront admis à y rentrer et protégés par le Gouvernement et sa police, un premier pas décisif sera fait dans la restauration de la prospérité russe, car là où bon nombre d’Allemands, d’Anglais, d’Américains se risquent déjà aujourd’hui, les hommes d’énergie qui avaient mis en valeur l’ancienne Russie, s’empresseront de retourner. Ce serait, pour la Russie, la voie du salut ; c’est sur ce point que l’Europe attend du Gouvernement des Soviets non pas des mots, mais des actes et des garanties. Il ne peut être question de reconnaître de jure le Gouvernement des Soviets, tant qu’il n’aura pas, durant un noviciat, — le mot est de M. Lloyd George, — qu’il lui appartiendra d’abréger, prouvé qu’il a la volonté et le pouvoir de faire respecter les lois et les droits que tous les États civilisés s’accordent à reconnaître comme la base des rapports entre nations et entre individus.

La rencontre, à Gênes, des délégués de la Russie des Soviets avec ceux de l’Europe « bourgeoise » est la grande nouveauté de la Conférence. Lénine, « surmené, » ou, dit-on, craignant pour sa vie quelque attentat, est resté à Moscou. Mais M. Tchitcherine, ancien diplomate russe, commissaire du Peuple aux Affaires étrangères, MM. Ioffe et Litvinof, sont d’habiles manœuvriers ; leurs négociations préparent depuis longtemps la rencontre décisive de Gênes ; ils ont même tenté, par diverses voies, ainsi que M. Poincaré l’a révélé à la tribune, de s’aboucher directement avec le Gouvernement français. A Berlin, la délégation a été fêtée ; le docteur Rathenau, ministre des Affaires étrangères du Reich, lui a offert un déjeuner ; M. Tchitcherine n’a pas caché à un rédacteur du Tageblatt que la reconstruction économique de la Russie « ne peut être réalisée que par une collaboration active de l’Europe centrale » et en toute première