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prétendre que la France cherche à faire échouer une conférence dont le plein succès serait d’abord avantageux à ses intérêts, pourvu qu’elle ne sorte pas du programme qui lui est tracé. La difficulté est de faire respecter cette délimitation, alors que plusieurs délégations n’auront d’autre souci que d’entraîner la Conférence sur le terrain réservé. Il y faudra toute la vigilance de nos éminents plénipotentiaires, particulièrement de MM. Barthou et Colrat que la confiance du Président du Conseil a placés à la tête de la délégation à côté de MM. Barrère, Picard et Seydoux.

La question du désarmement n’est pas moins délicate ; il y a, pour la poser devant la Conférence, une conjuration presque universelle. La presse et l’opinion dans les pays qui sont isolés du continent par la mer et qui ne peuvent craindre aucune invasion, Angleterre, États-Unis, Suède même, préconisent la réduction des armements sur terre. Les Anglo-Saxons ont toujours eu du goût pour ces croisades humanitaires et pacifistes, pourvu qu’elles servent en même temps leurs intérêts. Le récent rappel, par les États-Unis, de nos dettes de guerre et la coïncidence malheureuse qui, à l’échéance de la convention de 1916, renouvelée pour trois ans en 1919, a permis à lord Curzon de nous inviter, à la veille de la Conférence de Gênes, à payer à l’Angleterre les intérêts de nos dettes de guerre dont cette convention nous dispensait provisoirement, ont été interprétés, par une grande partie de la presse européenne, comme le « coup de semonce, » — le mot est de l’Humanité, — qui précède ou accompagne une sommation d’avoir à consentir à une réduction de notre armée active. Naturellement, la propagande allemande encourage et inspire cette campagne : pourquoi l’Allemagne se mettrait-elle en peine de payer, à titre de réparations, de grosses sommes qui, prétend-elle, sont employées à des dépenses militaires. La France est militariste, elle veut recommencer la guerre ; c’est elle qui menace la paix européenne, de complicité avec la Pologne, par ses prétentions à l’hégémonie continentale. M. Lloyd George s’est engagé à Boulogne à ne pas laisser poser la question générale du désarmement ; mais elle se posera nécessairement pour l’armée rouge ; les États baltiques, la Pologne, la Roumanie sont directement menacés, sur leur frontière, par de fortes concentrations de troupes soviétiques. « Si l’on nous pousse à bout, disait, à la fin de décembre au Congrès des Soviets, Trotzki, nous montrerons qu’en 1922, il est plus facile d’élargir les frontières de la République que de les rétrécir. » Les Bolchévistes affectent de craindre par-dessus