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démontrer l’incapacité de paiement de l’Allemagne et de frustrer la France et la Belgique des réparations auxquelles elles ont droit. Au cri de « A bas la France ! » c’est à l’Angleterre et au travail anglais que l’Allemagne fait la guerre.

A la Chambre française, M. Poincaré, dans ses discours du 1er et du 3 avril, a tenu le langage d’un homme d’État ; il s’est plu à souligner ce qui fait, malgré les crises intérieures qui peuvent la troubler, la continuité de la politique française en face de l’étranger, et à définir les grandes lignes permanentes de nos intérêts nationaux ; avec des mots particulièrement heureux et précis il a caractérisé la position de la France à la Conférence de Gênes. Lorsque les Allemands espéraient évoquer devant l’Assemblée de Gênes la question entière des réparations, et, par engrenage, la révision des Traités, ils saluaient avec enthousiasme l’aurore de la Conférence ; mais, a dit le chancelier Wirth, « depuis l’intervention de la France, l’étoile de Gênes est devenue un feu follet. » Les Allemands et les Bolchévistes n’ont pas renoncé à faire jouer à la France, à Gênes, le rôle d’accusée ; les premiers lui reprocheraient d’être, par les exigences de ses réparations, l’auteur responsable du malaise économique dont souffre l’Europe et ce que nous demandons au nom de la justice, ils l’imputeraient à la haine et à la vengeance ; les seconds prétendraient rendre la France comptable des luttes que les Soviets ont dû soutenir contre les armées russes qui ont tenté, avec l’aide des Alliés, de délivrer leur pays de la tyrannie sanglante des Commissaires du peuple. Après la Conférence de Boulogne, après le discours de M. Lloyd George, après l’entretien qu’il a eu, en passant par Paris le 7, avec M. Poincaré, nous avons le droit de compter qu’à ces tentatives désespérées, les Alliés de la Grande Guerre opposeront une volonté unique et une fidélité inébranlable à la parole donnée.

En dépit des précautions prises et des assurances reçues, M. Poincaré, — il l’a dit à la Chambre, — sait mieux que personne que si l’œuvre entreprise par les Alliés n’est pas sans grandeur, elle n’est pas non plus sans péril. Nous excluons formellement des délibérations de Gênes tout débat sur le principe des réparations, sur le chiffre et les modalités de paiement ; mais il est évident que, à l’arrière-plan de tout débat économique ou financier, apparaît le problème des réparations et que l’un des effets les plus heureux d’une restauration économique et financière de l’Europe serait d’accroître les facultés de paiement de l’Allemagne elles possibilités pour elle de se libérer de sa charge. C’est d’ailleurs pourquoi il est absurde de