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des Soviets en faveur des évêques schismatiques persécutés [1], ses appels à la chrétienté pour les Russes affamés, ont accéléré l’heure où l’Eglise pourra entrer en contact directement, efficacement, avec l’âme même de ce peuple, et confronter avec sa propre doctrine les idées de l’Eglise russe sur la composition des conciles et sur leurs droits, et ressaisir, au delà et au-dessus de ces divergences, certains points d’attache, propices au rétablissement de l’unité. Elle trouvera parfois, dans les hautes sphères de cette Eglise, une théologie qui, dès le temps de Joseph de Maistre, s’imprégnait volontiers d’influences luthériennes et ne redoutait pas d’être hospitalière à certaines négations ; elle trouvera toujours, dans la masse profonde des fidèles, des accoutumances liturgiques qui, depuis Photius, n’ont point varié, et dans lesquelles demeurent incrustés et protégés tous les dogmes des premiers siècles chrétiens.

Rome, sous le pontificat de Benoît XV, s’est admirablement outillée pour envisager cette situation nouvelle et pour y faire face. Les affaires des Eglises orientales étaient traitées depuis 1862 par un département spécial de la congrégation de la Propagande, chargée par Rome de la diffusion universelle de la foi. Sommes-nous donc assimilés à des païens, à des Gentils, à des hommes à qui manqua jusqu’ici la lumière du Christ ? se demandaient peut-être certains membres des chrétientés slaves ; et ce point d’interrogation éveillait au fond de leurs âmes quelques susceptibilités endolories. L’auscultation paternelle de Benoit XV sut les discerner, et puis les apaiser. Par un motu proprio du 1er mai 1919, il institua, en dehors de la Propagande, une congrégation spéciale pour les Eglises d’Orient. Elles cessaient dès lors d’être regardées comme des champs de mission ; Rome leur faisait l’honneur de voir en elles des Églises authentiquement chrétiennes, sur lesquelles s’était jadis étendue la lumière de l’Epiphanie, et qui n’avaient plus qu’à faire un acte d’union. Le Pape se déclarait obligé, par ses devoirs mêmes de successeur de l’Apôtre, à pourvoir au maintien et au progrès de toutes ces Églises, dont le corps collectif constitue le corps mystique du Christ. Et rendant hommage à leur antiquité, il s’écriait : « Puissent nos fils de l’Orient, fils chèrement aimés, être un jour ramenés par la bonté de Dieu à la possession de

  1. Nouvelles religieuses, 15 avril 1919, p. 232-233.