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cette assemblée de l’intelligence française où le profil si fin de M. Bergson mettait une note vive.

Il y avait là aussi un ancien commandant en chef des armées françaises et alliées ; il y avait là beaucoup d’uniformes français, et je sais un autre grand chef, un très grand chef de notre armée, qui avait écrit que c’était un bienfait et une nécessité non seulement pour la science, mais aussi pour la Patrie, qu’Einstein fût accueilli avec enthousiasme et respect, et qu’il irait, si besoin était, se montrer là en grand uniforme.

Quand après cela on vient me dire que certaines personnes ont murmuré entre deux portes qu’il ne fallait pas recevoir le « Boche » Einstein, je me refuse à croire qu’on m’ait bien renseigné, et si cela est, que ces personnes aient une autorité quelconque qui puisse donner le moindre poids à leurs opinions. Car enfin il faut choisir : on ne peut haïr à la fois et pour les mêmes motifs le militarisme prussien et ceux qui ont, au péril de leur vie, combattu ce militarisme.

D’ailleurs, l’événement a prouvé que toutes les craintes étaient vaines. Paris, cerveau du monde, a accueilli comme il convenait le plus puissant, le plus utile cerveau de ce temps. Il était d’avance bien certain que la Ville-Lumière n’aurait pas peur de la lumière.


CHARLES NORDMANN.