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en général tolérants, ou même indifférents. Voyez ce qui s’est passé à Salonique : la lutte était permanente et parfois très violente entre Grecs et Juifs ; elle a cessé du jour où la majorité grecque s’est trouvée composée d’Hellènes immigrés. Le même apaisement ne manquera pas de se produire ailleurs. De la part de l’élément grec, vous n’avez à craindre, ni fanatisme religieux, ni nationalisme xénophobe.

— Alors, — demandai-je — comment se fait-il qu’à Smyrne, les autorités helléniques se sont acharnées contre toutes les entreprises françaises ? On nous a laissé réparer à nos frais le chemin de fer de Smyrne-Cassaba et prolongements : après quoi, on nous a fait savoir qu’il allait être réquisitionné, sans indemnité, pour les besoins de l’armée hellénique ; on a prétendu s’emparer pareillement de nos mines de lignite à Soma... et je pourrais multiplier les exemples.

— Oh ! répondit mon interlocuteur, cela, c’est autre chose. Il n’y a pas de régime plus étatiste que le régime grec. Il fait une guerre si impitoyable aux initiatives et aux entreprises privées, que tous les Grecs actifs, entreprenants, quittent un pays où ils savent qu’il n’y a rien à faire, et s’en vont exercer leurs talents à l’étranger, où ils s’enrichissent. Les faits que vous invoquez ne trahissent aucune hostilité à l’égard de la France : ils prouvent seulement que les fonctionnaires venus d’Athènes appliquent, partout où on les envoie, les méthodes traditionnelles de leur Gouvernement. »

De mes conversations avec les Grecs ottomans, ecclésiastiques ou laïques, ce qui me semblait ressortir avec le plus d’évidence, c’était l’hostilité contre les missions françaises, les œuvres religieuses françaises, c’est-à-dire en somme contre les meilleurs et les plus efficaces des instruments dont la France s’est servie jusqu’ici pour établir et développer son influence dans le Levant. Longtemps encore, influence française et influence catholique iront de pair dans les pays du Levant, et l’on ne pourra ni les favoriser, ni les combattre l’une sans l’autre. Aussi souscrirais-je volontiers à ce jugement d’un religieux français : « Chaque fois que les Grecs font un pas en avant dans une région de l’ancien Empire turc, la France y fait un pas en arrière. »