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à une simple remise de la date antérieurement fixée pour l’élection. On sait que celle-ci finit par avoir lieu en décembre, sans que rien eût été changé à l’ancienne procédure. Le candidat du Phanar, proclamé sous le nom de Meletios IV, se trouvait aux Etats-Unis lors de l’élection ; il n’était pas encore débarqué à Constantinople, que les évêques grecs du royaume et des territoires occupés décidaient de se réunir en synode extraordinaire à Salonique pour le déposer.

Quelques jours avant de quitter la Turquie, je recevais la visite d’un Grec ottoman, qui fut le collaborateur et qui est resté l’ami de M. Venizélos. « En réalité, — me dit-il, — Venizélos, bien que le Patriarcat ait toujours soutenu ses idées, n’aime pas le Patriarcat. Il reconnaît les services que le Phanar a rendus à la cause grecque ; mais, s’il était un jour en mesure de réaliser le plan qu’il a conçu, je crois qu’il prierait respectueusement le Patriarcat de Constantinople de ne plus se mêler de politique. Le royaume de Grèce est un état laïque ; ses évêques sont de petits fonctionnaires sans influence, des gens de rien, à côté des archevêques grecs de l’Empire ottoman, qui font figure de chefs nationaux et tiennent état de grands seigneurs. C’est même pour cette raison que je doute quelquefois de la sincérité avec laquelle quelques-uns de ces derniers souhaitent l’annexion à la Grèce des territoires grecs de l’Asie-Mineure. Il me semble qu’au fond de leur cœur, ils désirent bien plutôt la constitution d’États autonomes, au sein desquels leur rôle et leur influence, loin de se trouver réduits, grandiraient. »

Le même personnage, au cours de notre entretien, insista comme avaient fait les ecclésiastiques, ses compatriotes, sur le grand tort que se faisait la France en poursuivant une politique catholique dans le Levant. « J’admets encore, — observait-il, — que vous vous appuyiez sur le catholicisme dans un pays comme le Liban, où l’élément catholique est prépondérant. Mais partout ailleurs, en Europe et en Asie, vous auriez tout avantage à faire une politique purement laïque et simplement française. » Comme je lui objectais qu’en Orient les catholiques étaient placés sous notre protection, et que nous avions le devoir de les défendre contre le fanatisme des Grecs orthodoxes, il répartit : « Le fanatisme des Grecs rayas (ottomans) est un résultat de la politique pratiquée par le Gouvernement de Constantinople, qui divisait pour régner. Mais les Grecs du royaume se montrent