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l’histoire ancienne et les conditions présentes de la nation grecque en Asie, et sa compétence s’étend, au delà des limites de son diocèse, jusqu’aux régions du Caucase. « Je pense, — me dit-il, — qu’on est bien persuadé en Europe que les Turcs sont en pleine décomposition et qu’il n’y a plus rien à en attendre. Certes nous ne demandons pas qu’on les supprime, mais seulement qu’on les mette hors d’état de nuire.

« Pour ce qui est de l’organisation future, je m’en tiens toujours au projet que j’ai présenté à Paris et à Londres : une fédération d’Etats, dont feraient partie l’Arménie, le Pont, et, si l’on veut, la Turquie. Mais, au centre, un gouvernement chrétien. J’estime même qu’en Turquie propre, il faudra établir un contrôle européen, car les Turcs sont incapables de se gouverner et de s’administrer. Le long des côtes de la Mer Noire, l’élément grec domine évidemment, et, si l’on ne veut pas créer un Etat du Pont, on peut annexer simplement ces territoires au royaume de Grèce. Mais j’insiste sur le point essentiel : il ne faut pas laisser subsister un Empire ottoman et il faut rendre Constantinople aux Grecs. Voilà l’œuvre indispensable.

« Nous n’ignorons pas qu’en France on oppose volontiers la tolérance des Turcs au prosélytisme violent de notre nation. On se trompe. Et l’on se trompe encore davantage si l’on croit que l’expansion de l’influence française en Orient est liée à celle de la religion catholique. Je dirais presque que dans le Levant, la France est influente malgré le caractère catholique qu’elle conserve obstinément à son action. La France n’a rien à craindre de notre prétendue xénophobie : les Grecs savent qu’ils ont besoin de vous, de vos capitaux, de vos techniciens, et ils seront les premiers à vous appeler à leur aide. »

Je ne jugeai point à propos d’engager une discussion avec l’archevêque sur des jugements qu’il exprimait en termes si catégoriques, et que je savais très contestables. Mais je lui demandai de m’éclairer sur une question qui passionnait alors les milieux grecs de Constantinople : celle des relations entre le Patriarcat œcuménique et le Gouvernement d’Athènes. Le siège de Constantinople était vacant depuis 1917 ; au Phanar, on avait hâte d’y pourvoir, et le 22 avril 1921, les deux corps du Patriarcat, réunis en séance extraordinaire, avaient fixé l’élection au 13 juin suivant. D’autre part, on prétendait à Athènes que le siège patriarcal, étant demeuré quatre ans inoccupé.