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lointaine. Les préoccupations d’ordre purement religieux passent au second plan, en un moment où les intérêts politiques vitaux et les nécessités matérielles absorbent notre attention et notre activité. Si du moins, en attendant l’union des Eglises, nous voyions se réaliser l’union des peuples chrétiens, et se reconstituer cette « Chrétienté » qui fut durant tant de siècles le facteur essentiel et bienfaisant de la politique européenne ! Alors la question d’Orient serait résolue aisément, et selon nos désirs. »

Les archevêques grecs de Trébizonde et de Séleucie se sont établis dans l’ile de Halki : le premier habite le vieux monastère de Saint-Georges, le second réside au couvent de la Sainte-Trinité, où il dirige une sorte d’Académie ecclésiastique. Tous deux m’ont fait un jour l’honneur de me recevoir et de s’entretenir avec moi de la situation politique et religieuse. Mgr Germanos, archevêque de Séleucie, est surtout un savant : il me fait volontiers les honneurs d’une importante bibliothèque, où figure, à côté de plusieurs autres périodiques français, la collection complète de la Revue des Deux Mondes ; puis il me conduit à une admirable chapelle, dont le gros œuvre a été plusieurs fois construit, mais où toute une décoration en bois peint et doré du XVe siècle demeure intacte : l’iconostase, la chaire, le trône patriarcal et le baldaquin qui abrite les saintes images sont autant de merveilles. Le couvent de la Sainte-Trinité passe pour avoir été fondé par Photius : plusieurs fois détruit, il fut toujours restauré par quelque patriote généreux ; sa dernière réfection remonte à 1840, et c’est à cette date que l’Académie ecclésiastique, d’où sortent les hauts dignitaires de l’Église grecque de Constantinople, y fut installée. En ce moment, les élèves sont en vacance et le couvent est occupé presque entièrement par des réfugiés russes, dont l’archevêque de Séleucie s’est constitué généreusement le père spirituel et, je crois bien aussi, le provéditeur général.

Mgr Germanos me dit les grandes difficultés qu’éprouve le clergé orthodoxe à se recruter et le chagrin qu’il ressent à constater la diminution de la foi et de l’esprit religieux dans les hautes classes de la société.

Avec l’archevêque de Trébizonde, la conversation s’engage tout de suite sur le terrain politique. Mgr Chrysanthos faisait partie de la délégation envoyée par le Phanar à Londres et à Paris au lendemain de l’armistice. Il connaît admirablement