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rendu les Juifs latins plus réservés et, si l’on peut dire, plus opportunistes. Se sentant assurés de la majorité, ils s’abstiennent de toute provocation, sont toujours prêts à faire les quelques concessions nécessaires au maintien de la bonne entente et, en un mot, se contentent de défendre une position qui, malgré l’insistance de quelques interventions étrangères, ne semble pas jusqu’à présent sérieusement menacée.

« C’est assez vous dire que ni le sionisme intégral, ni même le nationalisme intransigeant n’ont grande chance de prévaloir au sein de notre communauté. Nous n’avons pas les mêmes raisons que les Grecs et les Arméniens pour désirer l’indépendance totale et la séparation absolue d’avec les Turcs ; nos aspirations nationales ne sont point dirigées dans le même sens que celle des chrétiens et ne tendent point au même but. Tout au plus demanderons-nous, à l’occasion, que notre situation particulière et nos privilèges traditionnels soient garantis formellement par celles des grandes Puissances qui décideront du sort de l’Orient. »

J’ai recueilli d’autres témoignages, qui ne font guère que confirmer celui-là. Il m’a paru que les Juifs de Constantinople, et en général ceux du Levant, attendaient, en observateurs patients et nullement passionnés, les résultats de l’entreprise poursuivie d’un commun effort en Palestine par les chefs du mouvement sioniste et par les agents officiels du Gouvernement anglais. L’accord entre les uns et les autres n’est pas un mystère : à Carlsbad, Mr Clerk, ministre plénipotentiaire de Sa Majesté britannique près la République tchéco-slovaque, inaugurait lui-même les travaux du congrès sioniste, en prononçant un discours chaleureux et en donnant lecture de la déclaration du 2 novembre 1917 (déclaration Balfour), que les sionistes considèrent comme leur charte ; au même congrès, le docteur Weizmann faisait un éloge enthousiaste de l’œuvre accomplie parle gouverneur anglais, sir Herbert Samuel, qui, ajoutait-il, « est notre ami. »

En dépit d’une si puissante protection, les sionistes n’obtenaient en Palestine qu’un succès médiocre. Les chrétiens et les musulmans, qui forment ensemble la très grande majorité de la population, s’insurgeaient contre l’hégémonie juive, que les autorités britanniques essayaient d’imposer. Les financiers anglais qui, au début, avaient paru s’intéresser à la mise en