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en raison même de leur origine et des luttes qu’ils ont eu à soutenir dans le passé, les Askénazim sont combatifs, tandis que les Séphardim cherchent sur tous les terrains la conciliation et la paix.

« Malgré tout, ce sont les Séphardim, les Juifs latins, comme ils se désignent eux-mêmes, qui forment dans la communauté israélite de Constantinople l’élément le plus important, par la qualité comme par la quantité. Ils ont la majorité dans le Conseil mixte qui assiste le Grand-Rabbin ; à plus forte raison l’ont-ils dans le Comité régional de l’Alliance israélite universelle, qui, sur vingt membres, ne compte que trois Askénazim. Les Juifs latins appartiennent aux classes sociales les plus élevées : beaucoup occupent des situations considérables dans la banque, le commerce et l’administration. Les Askénazim sont pour la plupart des petits commerçants, des courtiers et des employés.

« Les Juifs latins sont tous partisans de l’assimilation et ont adopté pour programme la formule connue : « émancipation des Juifs dans les pays où ils sont fixés. » Je ne veux point dire par là qu’ils ne soient pas sionistes. Tous les Juifs sont sionistes, du moins en ce sens que tous désirent qu’un foyer juif soit créé dans le monde, et de préférence dans la contrée qui fut le berceau de leur race. Vous avez vu qu’à Carlsbad, les organisateurs du Congrès ont déclaré qu’ils ne faisaient aucune différence entre Séphardim et Askénazim. Cependant la différence existe et elle consiste en ceci, que les Séphardim, tout en faisant des vœux pour la création du home juif en Palestine, ne reconnaissent ni l’opportunité d’un État juif, ni l’avantage que trouveraient les Israélites du monde entier à renoncer aux diverses nationalité qu’ils ont adoptées, pour devenir citoyens de ce nouvel État.

« S’ils rejetaient en bloc le sionisme, les Juifs latins donneraient évidemment beau jeu aux Askénazim, qui sont nettement séparatistes et voudraient que la question « sionisme ou antisionisme » servît de plate-forme pour les prochaines élections au Conseil. Déjà, grâce à une tactique analogue, la bataille engagée autour de l’éligibilité au Conseil des Juifs non ottomans avait abouti, il y a quelques années, à la démission du grand-rabbin Nahoum Effendi, défenseur énergique de la tendance latine, et, plus particulièrement de l’influence française parmi les communautés juives de Turquie. Cette expérience a