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se réunirent au Grand-Rabbinat en Assemblée Constituante. Les partisans de la réforme proposèrent aussitôt l’élaboration d’une Charte, qui consacrerait solennellement tous les privilèges accordés par les Sultans aux communautés Israélites de leur Empire, transformerait ces privilèges en droits permanents et irrévocables, et leur assurerait enfin une garantie internationale. La discussion fut très vive entre les promoteurs du nouveau statut organique et les défenseurs de l’ancien ordre de choses. Elle n’aboutit à aucune conclusion formelle, et, au mois d’octobre, lorsque j’ai quitté Constantinople, la question, toujours à l’étude, n’était point résolue.

De fait, la communauté juive de Turquie a représenté jusqu’à ces derniers temps un élément docile et loyal à l’égard de l’Empire. Les mauvais traitements infligés aux Israélites par les Grecs dans les territoires nouvellement occupés semblaient avoir encore renforcé ces sentiments. De la Thrace, de Smyrne et d’autres villes de l’Asie-Mineure, on avait vu refluer sur Constantinople un grand nombre de Juifs de toute classe, mais surtout de petite condition : ils fuyaient devant les tracasseries et les exactions que les Hellènes, à peine installés dans ces contrées, s’étaient empressés de leur faire subir. Entre l’arrogance et l’avidité des Grecs et l’indifférence tolérante des Turcs, la comparaison ne pouvait s’établir, dans l’esprit des Juifs, qu’à l’avantage des seconds. Aussi vit-on, à Constantinople, des Israélites de toute condition prendre fait et cause pour l’Empire et témoigner, à l’occasion, de leur attachement aux institutions ottomanes, et même de leur amitié pour la nation turque.

Néanmoins, même en Turquie d’Europe, les nationalistes, les sionistes, les palestiniens continuent de s’agiter en faveur de l’indépendance. Ils reçoivent de l’étranger des encouragements et des subsides. Le Congrès sioniste mondial, tenu à Carslbad dans les premiers jours de septembre, ne pouvait manquer d’intensifier en Turquie le mouvement séparatiste. J’ai voulu connaître, touchant ce mouvement, ses origines et son avenir, l’opinion d’un juif de Constantinople que sa haute situation à l’intérieur et en dehors de la communauté, ses relations étendues et sa longue expérience des choses de l’Orient mettaient particulièrement en mesure de m’éclairer.

« La condition et l’organisation des Juifs, — me dit-il, — diffèrent profondément selon qu’ils se sont établis dans des pays