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furent constitués, par la suite, un patriarcat pour les Arméniens et un Grand-Rabbinat pour les Juifs. A l’heure qu’il est, le Patriarche-œcuménique, le Patriarche des Arméniens et le Grand-Rabbin sont encore considérés par le Gouvernement de Constantinople tout à la fois comme les suprêmes magistrats des nations qu’ils représentent et comme des fonctionnaires de l’Empire : en effet, l’autorité qu’ils exercent leur est conférée par l’élection et reconnue par la volonté du Sultan.

Mais cette autonomie relative ne répond plus aux exigences des minorités non musulmanes ; elles aspirent tantôt à une complète indépendance et à une pleine souveraineté, tantôt à une autonomie de droit, reconnue et garantie par les grandes Puissances du monde. Quant au Gouvernement turc, il maintient son point de vue, se déclare prêt à conserver aux diverses nations qui vivent dans l’Empire leurs privilèges séculaires, mais se refuse à admettre que la protection des minorités soit assurée en Turquie par des mesures plus rigoureuses et plus restrictives de la souveraineté de l’Etat, que celles qui ont été imposées par les récents traités à d’autres nations vaincues, comme la Bulgarie et la Hongrie.


LES JUIFS

En Turquie comme partout ailleurs, les événements de ces dernières années ont réveillé chez les Juifs l’esprit national. Le mouvement sioniste, favorisé depuis l’origine par l’Allemagne et plus récemment par l’Angleterre, s’est manifesté à Constantinople sous une forme particulière. Une propagande habile s’est exercée par les journaux, par les conférences, par le cinéma. On a fait valoir aux yeux des Juifs ottomans l’exemple des Arméniens et des Grecs, qui, pour garantir le maintien de leurs privilèges, n’hésitaient pas à invoquer l’intervention des Puissances étrangères. On leur a rappelé que pour la première fois, dans le traité de Sèvres, leur existence en tant que nation avait été officiellement reconnue. Ce n’était là qu’un commencement : il appartenait aux Juifs de Turquie de saisir l’occasion favorable, et d’en profiler pour se faire reconnaître un statut organique et nettement défini.

Quelques hommes de valeur et d’autorité prirent la tête du mouvement. Le 1er mai 1921, les délégués juifs de Constantinople