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et à provoquer des confidences. Perlet s’observait, se bornant à déplorer « sa situation fâcheuse » et à exprimer sa reconnaissance à M. le sous-préfet pour sa réconfortante visite ; sur quoi celui-ci aborda nettement la question : le brocheur ne parut « ni surpris ni fâché ; » il détenait, en effet, dit-il, un secret d’importance : mais il avait besoin de quelques heures « pour en rédiger la révélation » et il promit qu’elle parviendrait à Gex par le courrier du lendemain.

Le jour suivant, le sous-préfet reçut une lettre : Perlet s’était ravisé : — « Je vous renouvelle, écrivait-il, la déclaration que j’ai eu l’honneur de vous faire hier dans ma chambre... Depuis plus de sept ans, je souffre par l’injustice des hommes les plus rudes privations de la vie.. Le temps est bien long, et j’ai soixante-cinq ans ! » Il continuait ainsi ses jérémiades, se flattait d’avoir déjà, depuis son exil à Genève, rendu un grand service au roi Louis XVIII en arrêtant une publication faite pour troubler le repos de Sa Majesté, et il terminait ainsi : — « Il y a quelques semaines, le hasard ou l’erreur où on est de mes véritables sentiments, m’a fait découvrir un projet d’une bien autre importance et que ma singulière position ne me permet pas encore de dévoiler... S’il y avait un danger pressant, je dirais tout ce que je sais... la prudence ne me le permet pas. » Quoique libellée en termes ambigus, la lettre n’était qu’une demande, mal déguisée, de pension ou de secours. C’est en ce sens que le sous-préfet en rendit compte au ministre, en même temps qu’il manifestait à Perlet son regret de ne pouvoir solliciter Son Excellence en sa faveur : — « Si, ajoutait-il, dans votre intérêt, il m’était permis de vous donner un conseil, ce serait celui de vous dévouer entièrement au service du Roi... en confiant à ses ministres tous les renseignements dont vous pensez qu’il serait utile qu’ils fussent instruits. » Mais Perlet prit mal la chose ; il riposta en homme désintéressé dont on a froissé la délicatesse : — « Je vois avec peine que vous êtes bien éloigné de me connaître ; vous ne suspecteriez pas ma sincérité. Mon dévouement à la personne de Louis XVIII n’a pas besoin d’être encouragé : le Roi lui-même en est convenu, le 22 juin 1808, dans sa résidence à Gosfield-Sussex, en me faisant écrire par M. le comte d’Avaray qu’il conserverait dans son cœur, en caractères ineffaçables, et jusqu’au jour des récompenses, le souvenir des services que je lui ai rendus. Telles sont,