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plumer ? A qui tendre un piège ? Quelle ruse employer, inédite et sûre, pour retrouver les profits d’autrefois ? Telle était sa vésanie, son obsession constante. Comme les ressources de son esprit ne lui fournissaient rien de nouveau, il revint au procédé qui lui avait naguère réussi et, après trois ans de méditation, saisissant l’occasion du désarroi où l’assassinat du Duc de Berry mettait le Gouvernement français, il écrivit à M. Siméon, ministre de l’Intérieur du cabinet Richelieu, qu’un homme « comblé des bienfaits du Roi, » venait de se présenter chez lui, Perlet, et « le croyant exaspéré par les injustices dont il était victime, » lui avait confié d’importants papiers dont la publication prochaine causerait « un très grand déplaisir à Sa Majesté. » Le ministre dépêcha aussitôt à Genève l’un de ses attachés, — le chevalier Catelin, — qui vit Perlet, et obtint de lui, moyennant une somme de 3 000 francs, la remise des documents compromettants pour la Monarchie. Quels étaient ces documents ? Quelque libelle de la fabrication de Perlet lui-même, sans doute, ou le résidu de pièces soustraites par lui des cartons lors de son passage à la Police. Perlet ne s’en explique pas : il dit seulement que ces papiers furent détruits. Il put s’assurer ainsi que son procédé n’avait rien perdu de sa valeur et qu’il parviendrait encore à en tirer parti. Aussi, trois ans plus tard, le 1er juillet 1823, il s’adressa au duc d’Havre, auquel Fauche-Borel l’avait présenté dans les premiers jours de la Restauration : rappelant sa précédente démarche qui avait épargné au Roi les plus graves embarras, il exposait que, cette fois, « l’affaire était bien autrement majeure ; » le hasard l’avait mis en possession d’un secret qu’il hésitait à révéler, tant pourrait être dangereuse la moindre indiscrétion. Le duc d’Havre communiqua la missive à M. de Corbière, ministre de l’Intérieur, lequel chargea le sous-préfet de Gex d’entreprendre une enquête sur Perlet et sur l’importance des révélations dont il menaçait le Gouvernement.

Le sous-préfet de Gex, M. Pourcelot, soucieux de montrer du zèle, ou désireux, tout simplement, de se dérouiller par une excursion à Genève, tomba, un beau matin, chez Perlet qu’il trouva à son établi. Il le questionna adroitement, donnant comme motif de sa visite le regret qu’il éprouvait de savoir « dans une position gênée un homme connu par son dévouement à la personne du Roi. » Il cherchait ainsi à inspirer confiance