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à ce point... » Perlet est donc un assassin et un voleur. Rien n’arrête Veyrat, pas même l’évidence que son ex-associé est perdu : il poursuit, sans qu’on l’interroge : — « Voulez-vous que je vous donne des explications sur la canne ? Quand Vitel fut arrêté, on n’avait pas saisi sa canne : Perlet donna avis qu’elle renfermait des papiers importants. Alors je donnai l’ordre d’aller la prendre au domicile de Vitel et on la rapporta. Le soir, on fit appeler Vitel ; quand on lui présenta la canne, il dit : — Je suis perdu ! Je ne l’avais confié qu’à Perlet ! Alors l’interrogateur scia la canne : c’était un petit bambou pas plus gros que le doigt. Chacun s’attendait à voir quelque chose d’extraordinaire ; on fut fort étonné de ne trouver, dans la lettre, qu’une demande de deux passeports. Vitel dit : « Je devais la remettre au ministre dans le cas où il se serait mis avec nous. »

C’est à Fauche qu’auraient dû, sur ces mots, s’adresser les huées du public, à Fauche coupable d’avoir, avec une inexcusable légèreté et sur une simple supposition éclose de son esprit fécond en fantasmagories, confié à son neveu une communication à ce point dangereuse que sa découverte équivalait à un arrêt de mort. Mais, pour ceux qui sont là, c’est l’abject Perlet qui accumule sur lui toutes les réprobations. Berryer, l’avocat de Fauche, profita habilement de cette impression de l’assistance pour poser à Veyrat la question décisive : — « Vous avez eu sous les yeux toute la correspondance de Fauche-Borel. Je vous demande de déclarer si, dans cette correspondance, vous n’avez rien observé qui pût permettre de croire à une déviation de ses devoirs sacrés. » Veyrat prononce avec une sorte de solennité : — « J’atteste que je ne puis donner que des éloges à son zèle et à son dévouement constants pour la cause royale. » Et tandis que Berryer se rassied, — avec cet air définitivement convaincu et modestement triomphant de l’avocat désormais certain du succès de sa cause, — les applaudissements éclatent dans l’auditoire, comme au théâtre, à une fin d’acte qui laisse entrevoir le dénouement espéré.

Perlet s’efforçait encore d’émerger du flot de boue où il s’enlizait : mais la répugnance unanime pesait sur lui d’un tel poids qu’il eût cherché en vain à reprendre pied. Ordinairement la foule, — et la foule parisienne surtout, — n’assiste pas sans pitié à cette lutte désespérée d’un homme, fût-il le plus avéré