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avec ses yeux à fleur de tête, inspiraient la sympathie. Il était assis à côté de Maître Berryer père, son avocat, l’un des orateurs les plus estimés du barreau de Paris. Perlet faisait contraste : placé sur un tabouret, dans le prétoire, il discutait avec son défenseur. Maître Maugeret, et paraissait très animé. Un huissier annonça le Tribunal : le président, Chrétien de Poli, et ses assesseurs, les juges Dufour et Geoffroy, prirent place ; le substitut Riffé occupa le siège du Procureur du Roi. La lecture de la plainte en calomnie et en escroquerie de Fauche-Borel contre Perlet et de la plainte récriminatoire en calomnie intentée par Perlet contre Fauche ayant eu lieu à l’audience préparatoire du 10 mai, les avocats se bornèrent à poser leurs conclusions : Fauche-Borel demandait la suppression de l’Exposé de Perlet, 300 francs de dommages-intérêts applicables aux pauvres, la restitution des 600 livres sterling réclamées par Perlet pour sauver de la mort Charles Vitel, ainsi que de l’argent déposé par celui-ci à la banque Hottinger et qu’avait empoché le mouchard ; — Perlet réclamait la suppression des deux Mémoires publiés par Fauche-Borel et 10 000 francs de dommages-intérêts qu’il destinait « au soulagement des malheureux. »

Le président questionna Perlet sur ses entrevues avec Vitel, en mars 1807 et sur les causes de sa détention à Sainte-Pélagie, coïncidant exactement avec l’arrivée du jeune enseigne à Paris. Perlet répondit avec assez d’aplomb. Il essaya d’établir que, s’il avait été écroué, ce n’était nullement par feinte, mais à la requête d’un créancier : il était dans la misère, n’ayant pas de quoi nourrir sa femme et ses enfants. On lui objecta les avances considérables qu’il recevait de ses chefs et particulièrement de l’inspecteur général Veyrat ; on lui en présenta les quittances signées de sa main. Il répliqua que Veyrat disposait, en effet, sur les fonds de la Police, de grosses sommes d’argent, mais qu’il les gardait pour lui et, afin de justifier l’emploi de ces fonds, obligeait ses subordonnés à signer des reçus de complaisance ; ils ne touchaient que de rares gratifications de famine et auraient été perdus, s’ils s’étaient permis de protester contre la rapacité de leur chef.

— Mais, dit le président, si les reçus que vous avez signés étaient seulement « de complaisance, » les auriez-vous rédigés de la sorte : — « Je n’ai pas de termes pour exprimer ma reconnaissance. .. ? »