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réalité de la religion. Ils remarquent son action efficace en présence du danger et de la mort, comme elle guérit, apaise et élève les âmes. En Angleterre, beaucoup d’individus ont adopté des emblèmes, des croyances et des pratiques catholiques qu’avant la guerre ils auraient repoussés. »[1]

La Vierge, elle aussi, bénéficiait de ce contact entre la curiosité britannique et la piété française : la Ligue anglicane de Notre-Dame se sentait soutenue, poussée, par de nouvelles vagues de ferveur. Le grand journal anglican The Church Times constatait en août 1918 : « Les fêtes de la Vierge sont observées d’une manière plus convenable. Son image commence à apparaître de plus en plus fréquemment dans les églises. L’Angelus est sonné dans beaucoup de clochers : tout cela semble marquer la disparition d’un antique et violent préjugé. » Quelques années d’intimité, dans le branle-bas de la guerre, entre l’anglicanisme et le catholicisme romain de France, eurent peut-être plus d’influence sur l’Église anglicane que trois quarts de siècle de voisinage avec le catholicisme romain d’Angleterre. Rome, en terre anglaise, parut longtemps une intruse : on avait peine à croire que dans ses postes anglais d’occupation il put y avoir quelque chose de bon. Sur le sol français, au contraire, les âmes anglaises abordaient Rome avec je ne sais quoi de plus neuf, de plus impartial : leurs émotions religieuses n’étaient plus surveillées, paralysées, par des préventions de clocher ; ainsi qu’on fait une expérience, elles étudiaient, elles analysaient les méthodes de Rome pour faire aimer Dieu. Rappelons-nous les virulentes préventions du seizième siècle contre les signes visibles de la foi, — ces préventions qui parfois, sous certaines latitudes, devinrent iconoclastes. Combien elles sont oubliées, aujourd’hui ! Ces corps de soldats, gisant au pied des calvaires, sur les routes de France et de Belgique, laissèrent un souvenir aux Anglais qui passaient ; ils avaient aimé qu’un Christ, du haut de son gibet, parût bénir ces victimes. Et sous la présidence de Lord Shaftesbury et de trois vice-présidents, étrangers comme lui à l’Église romaine, se fondait en 1918 la touchante Wayside Cross Society (Société des croix au bord des chemins). On lisait dans son appel :


Un des meilleurs signes commémoratifs de ceux qui ont donné

  1. Nouvelles religieuses, la mars 1918, p. 188. C’est sous le titre significatif : Message du cardinal Boume à la Nation, que le Times publia ce document.