Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/880

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garde-robe et ministre de la maison du Roi, et il sollicita, pour ce précieux acolyte des mauvais jours, la bienveillance de Sa Majesté. Son crédit lui paraissait être sans limites et il pouvait le gaspiller sans y regarder. Ce rôle de protecteur lui plaisait, d’ailleurs, et, pousser Perlet, c’était encore se prévaloir d’avoir découvert un prosélyte si entreprenant ; pourtant, quand le nouveau gouvernement eut commencé à fonctionner. Fauche pensa qu’il était temps de faire la connaissance des membres du Comité dont il ignorait encore les noms et de les signaler, eux aussi, à la reconnaissance royale. Ces noms, Perlet refusa net de les révéler : en vain son compère lui démontra-t-il, le plus clairement possible, que ces hommes n’avaient plus rien à redouter de l’Usurpateur ; leur cause triomphait et il était juste qu’ils reçussent la récompense de leur fidélité. Mais l’autre resta muet : un serment solennel le forçait au silence et tant que ces Messieurs eux-mêmes ne l’en auraient pas relevé, sa conscience répugnait à cette indiscrétion. Fauche s’émerveilla de scrupules si exigeants ; ne voulant pas être en reste de délicatesse, il n’insista point : du reste, il importait assez peu de connaître maintenant ceux des maréchaux, des sénateurs ou des hauts fonctionnaires de la Cour impériale qui, sous la férule du tyran, avaient souhaité le retour du Roi légitime ; on n’avait que le choix : tous les fonctionnaires, tous les sénateurs, tous les maréchaux, sauf de très rares exceptions, se bousculaient maintenant dans les antichambres de Louis XVIII et chargeaient d’anathèmes le Buonaparte qui les avait forcés à se gorger de ses faveurs. Perlet, naguère, n’exagérait donc pas, il atténuait, au contraire, la vérité en assurant qu’un groupe de personnalités éminentes travaillait à la restauration du Roi. Un groupe ? C’était la France entière qui, maintenant, se flattait de l’avoir appelé de ses vœux et on ne pouvait comprendre comment le Corse, sans un partisan, s’était si longtemps maintenu au pouvoir.

Convaincu sur le point de la véracité de Perlet, Fauche aborda l’autre question, d’un intérêt tout personnel, celle-là : — Qui avait trahi Charles Vitel et qu’étaient devenus les six cents louis envoyés de Londres par Fauche, à la demande de Perlet, pour tirer des griffes de la police le malheureux enseigne ? Ainsi interrogé, Perlet ne pouvait point ne pas répondre : aussi le fit-il avec netteté : — l’assassin de Vitel était l’inspecteur