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elles sont régulièrement gardées ; et les fidèles y tiennent. L’assemblée générale de l’English Church Union protestait à l’unanimité, qu’interdire la résurrection d’un tel usage, ce serait « obscurcir parmi nous la doctrine de l’Eglise universelle, d’Orient comme d’Occident, d’après laquelle le Saint-Sacrement est le vrai corps et le vrai sang du Christ, aussi longtemps que le signe visible et extérieur demeure sans altération, et cela en dehors de la communion elle-même. » Et quinze cents messes se célébraient, dans quinze cents églises anglicanes, pour les intentions de cette English Church Union.

Cependant, en France, à l’arrière du front, les aumôniers anglicans étaient les spectateurs quotidiens de certaines liturgies eucharistiques, qui s’offraient, dans les plus humbles des églises, à la quotidienne piété des fidèles. L’Eucharistie s’exposait, l’Eucharistie bénissait. Jusque-là, dans l’Eglise anglicane, ces cérémonies, toujours suspectées, n’avaient été que très épisodiques : on les tolérait, pourvu qu’elles fussent peu bruyantes, dans cette aile de l’Eglise que séduisaient les pratiques romaines. Les échos arrivant de France remuèrent de l’autre côté de la Manche un certain nombre de pasteurs d’âmes. « Alors que les « Romains » font l’ostension du Christ, se demandaient-ils, devons-nous, nous, le cacher ? « Et lorsqu’en 1920, dans le diocèse de Truro, un pasteur anglican persista, malgré son évêque, à donner la « bénédiction du Saint-Sacrement, » lorsque, dans le diocèse de Bath and Wells, un autre pasteur s’obstina dans ce rite en s’insurgeant, lui aussi, contre son évêque, tout l’anglicanisme s’agita. Pour cet acte de ferveur qui prenait l’aspect d’une révolte, les deux pasteurs durent quitter leur paroisse ; mais dans l’une des églises anglicanes d’un faubourg de Londres, un meeting se tenait, pour protester contre l’évêque de Truro. Le spectacle de nos dévotions eucharistiques, l’attrait qu’elles exerçaient sur des « poilus » qui, dans la vie courante, n’étaient pas des dévots, avaient ainsi suscité, sur terre anglaise, ce que d’aucuns appelaient la dispute du Saint-Sacrement [1].

« Nos soldats, écrivait le cardinal Bourne le 15 février 1918 dans une sorte de message à la nation anglaise, sont profondément impressionnés de l’influence que l’Eglise catholique exerce en Belgique et en France. Ils ont acquis un sens nouveau de la

  1. Coolen, Revue pratique d’apologétique, décembre 1920 et janvier 1921.