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dire que si la France n’a, certes, pas le monopole de la sainteté, elle est, à cet égard, la plus largement privilégiée des nations chrétiennes. Sur 18 prêtres séculiers du XIXe siècle qui sont déjà saints, bienheureux ou vénérables, 9 sont des Français. Au jubilé, par lequel, en 1900, Léon XIII a clôturé le XIXe siècle, il exalta 77 nouveaux bienheureux, morts martyrs en Chine, et surtout en Annam : 67 sont des indigènes ; les 10 autres sont Européens, et tous Français, un lazariste, et 9 prêtres des Missions étrangères. Un peu plus tard, Pie X met au nombre des bienheureux 33 nouveaux martyrs : 29 sont Chinois ou Annamites ; les 4 quatre autres sont Français. Qu’ajouter à la parlante et probante éloquence de pareils chiffres ?

Et la solidarité que la nature et l’histoire ont établie entre le catholicisme et la France est telle que, en vertu d’une sorte de loi à laquelle on n’aperçoit pas d’exceptions, les destinées de la collectivité française ont toujours suivi, ou inversement, celles de l’Eglise catholique. Le XVIIe siècle est une grande époque dans l’histoire de notre pays ; il en est une aussi dans l’histoire générale du catholicisme ; et quelques-uns des plus beaux génies dont puisse s’honorer la pensée catholique, — un Pascal, un Malebranche, un Bossuet, — sont aussi parmi les plus pures gloires de la pensée française. Le XVIIIe siècle, au contraire, qui n’est, suivant le mot de Faguet, « ni chrétien, ni Français, » n’a pas été plus favorable au développement de la puissance française qu’à l’extension de l’idée catholique : Frédéric II aurait moins goûté le génie de Voltaire, si Voltaire n’avait pas pris pour mot d’ordre d’« écraser l’infâme, » et Voltaire n’a pas su voir dans le « roi philosophe » l’ennemi mortel de sa patrie. Le traité de Francfort a consacré, tout à la fois, l’abaissement politique de la France et l’exaltation de l’empire luthérien des Hohenzollern. Si Guillaume II avait été le vainqueur de la grande guerre, il n’eût pas été, nous le savons, tendre au catholicisme. Mais il a été le vaincu de cette terrible guerre qu’il avait si imprudemment déchaînée ; et la situation de 1871 se trouve totalement renversée.

Il est aujourd’hui moins douteux que jamais que la victoire de 1918 a été une victoire catholique, et, de l’aveu des observateurs les plus divers et les moins suspects, c’est sans contredit l’Église catholique qui a le plus visiblement bénéficié de l’effondrement de l’Empire « évangélique » et de la disparition de