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fierté et l’intégrité de certaines consciences et contre l’instinct national ; et quand la poussière du combat est tombée, on s’aperçoit que cette « superstition » « gothique » dont on a tant médit, et qu’on a cru ensevelir sous les sarcasmes et sous les ruines, maintenant qu’elle est dégagée de compromissions fâcheuses, est redevenue plus vivace et plus profondément respectée qu’elle ne l’était à la veille de la Révolution. Cette fois encore, l’épreuve, qui devait lui être fatale, n’a fait que consolider l’antique croyance héréditaire.

Que la France soit une terre essentiellement catholique, et que, comme telle, elle soit proprement nécessaire à l’Église, on le sait bien, on l’a toujours su à Rome, et c’est pourquoi Rome a toujours été indulgente aux écarts et aux défaillances de la pensée ou de l’action de la France. Pie VII n’a pas tenu rigueur à notre pays des excès de la Révolution, et il n’a reculé devant aucune concession pour lui rendre la paix religieuse ; la brutalité même de Napoléon n’a pas découragé sa bienveillance. La prédilection de Léon XIII, — et de Rampolla, — à notre égard était légendaire. Pie X, qui n’avait point à se louer de nos gouvernants, vantait, en toute occasion, la piété française, et il déclarait que « si le surnaturel vit partout dans le monde, il vit surtout en France. » Et ce fut une des grandes joies de Benoît XV de pouvoir, avant de mourir, renouer avec la victorieuse patrie de Jeanne d’Arc. C’est qu’en bon élève de Rampolla et de Léon XIII, il savait bien, par l’exemple du passé, tout ce que l’Eglise de demain est en droit d’attendre de la grande « nation apôtre. » Dans le dernier chapitre de son Histoire, M. Goyau nous trace un tableau saisissant et précis de ce que fut au XIXe siècle et au début du XXe l’œuvre catholique de la France. On songe, en le lisant, à telle parole célèbre de Michelet que les étrangers seuls auraient le droit de citer et d’approuver, ou encore à ces vers de Shakspeare : « France, dont l’armure est conscience, descend avec le bouclier sur les champs de bataille où l’appellent le zèle et la charité, comme le propre soldat de Dieu. » A l’heure où de tous côtés, une trop habile ou criminelle propagande reproche injustement à la France son prétendu « impérialisme, » l’intolérable étroitesse de son « égoïsme sacré, » il est bon de rappeler quelques-uns de ses titres à la reconnaissance de ceux que les grandeurs spirituelles ne laissent pas indifférents.