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Il y a une nation dans l’histoire qui, certes, a eu ses faiblesses et ses heures de défaillance, mais qui, invinciblement idéaliste, a toujours fait passer ses intérêts matériels après certains intérêts d’âme qu’elle estimait supérieurs, et qui, d’autre part, toujours éprise d’apostolat, n’a jamais pu garder pour elle toute seule les vérités qu’elle croyait avoir conquises. Il y a une nation qui, concevant toutes choses sous les espèces de l’unité et de l’universalité, n’a jamais pu admettre que les peuples fussent au fond différents les uns des autres et qu’une même doctrine spirituelle ne dût pas rassembler un jour tous les membres de la grande famille humaine. Sur tous ces points, il y avait accord préalable, rencontre spontanée, harmonie préétablie entre le génie français et l’idéal catholique. Comment s’étonner que, de toutes les nations du monde, — n’en exceptons ni l’Italie, ni l’Espagne, ni même la Pologne, — la France soit celle qui ait le mieux accueilli, le plus profondément compris et le plus généreusement pratiqué le catholicisme, et qui ait seule obtenu et justifié le titre de « fille ainée de l’Eglise ? » Le catholicisme s’est si bien incorporé à la substance même de l’âme française qu’il en est devenu littéralement inséparable. Les plus farouches adversaires du catholicisme sont, chez nous, à leur insu, imprégnés de l’esprit catholique, et la Révolution française n’aurait pas eu ce caractère d’activé propagande internationale qui la différencie si curieusement de la Révolution anglaise, par exemple, si la « mentalité » catholique n’en avait pas inspiré les démarches, dicté les attitudes, déterminé les objectifs. Français que nous sommes, héritiers d’une tradition vieille de vingt siècles, que rien n’a pu briser, et dont le temps n’a fait que multiplier les mailles, que nous le voulions ou non, nous avons le catholicisme dans le sang. Il y a des tuniques de Nessus qu’aucun effort ne saurait arracher des épaules qui les ont une fois revêtues.

A deux reprises, au cours des temps modernes, la France s’y est énergiquement appliquée, et, un moment, on aurait pu croire qu’elle allait y réussir. Le cardinal de Lorraine, vers le milieu du XVIe siècle, estimait, — avec quelque exagération d’ailleurs, — qu’elle était, aux deux tiers, « infectée » par l’hérésie protestante, et, de nos jours encore, il se trouve, après Quinet, des historiens pour croire qu’elle a été sur le point de passer tout entière à la Réforme, et pour regretter qu’elle ne