Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/866

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

disait-il, a fructifié pour Dieu, ce sont des fruits nombreux et très féconds, parce que non seulement elle croit, mais parce qu’elle en convertit d’autres, en leur apportant le salut. » — « Cette définition carolingienne de la France, ajoute fortement l’historien, résume encore, onze cents ans plus tard, notre histoire religieuse, parce que notre âme elle-même s’y trouve résumée. » On ne saurait mieux, ni plus justement dire ; et dans cette simple phrase, M. Georges Goyau nous a livré lui-même l’âme, souvent visible, et partout présente, de tout son livre.

L’empereur Louis II n’est certes pas le seul qui, au cours de ces vingt siècles d’histoire, ait reconnu et affirmé cette singulière « vocation » du génie français, et avec une visible complaisance, M. Goyau a recueilli et rapporté, à cet égard, de fort suggestifs et éloquents témoignages. C’est au Ve siècle saint Avit écrivant à Clovis : « Puisque Dieu veut bien se servir de vous pour gagner toute votre nation, offrez une part du trésor de foi qui remplit votre cœur à ces peuples assis au delà de vous ; ne craignez pas de leur envoyer des ambassades et de plaider auprès d’eux la cause de Dieu, qui a tant fait pour les Francs. » C’est au VIe siècle, le rédacteur inconnu du prologue de la loi salique : « Vive le Christ qui aime les Francs ! disait-il... Car cette nation est celle qui, petite en nombre, mais brave et forte, secoua de sa tête le dur joug des Romains, et qui, après avoir reconnu la sainteté du baptême, orna somptueusement d’or et de pierres précieuses les corps des saints martyrs, que les Romains avaient brûlés, massacrés, mutilés, ou fait déchirer par les bêtes. » C’est saint François d’Assise qui, voulant « se réserver la province qui serait le plus à la gloire de Dieu, au profit des âmes et au bon exemple de la religion, » s’écrie : « Je choisis la province de France, parce que les Français témoignent un grand respect au corps du Christ, » et qui, jusqu’au bout, nous dit son biographe, Celano, « continua d’aimer la France, l’amie du corps du Seigneur, et de désirer y mourir, à cause de sa révérence pour les saints Mystères. » C’est Jeanne d’Arc écrivant au Duc de Bourgogne : « Ceux qui font la guerre au dit saint royaume de France, font la guerre au roi Jésus, » et rêvant d’entraîner les Anglais « là où les Français feront le plus beau fait qui oncques fut fait pour la chrétienté. » C’est enfin le patriarche de Constantinople écrivant à Charles V : « Vous êtes le pôle vers lequel se dirige le vaisseau de l’Eglise. »