Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/864

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et philosophique, et d’opérer avec Rome la réconciliation définitive de l’Eglise française.

Mais entre Rome et Napoléon, il y avait un malentendu que le temps allait faire éclater. Napoléon ne concevait pas d’autre autorité que la sienne, et la religion n’était pour lui qu’une « gendarmerie sacrée. » Pour n’avoir point voulu souscrire aux fantaisies théologiques du maître, Pie VII se vit dépouiller de ses Etats et traîner captif à Savone. Contre le Pape qui refusait l’investiture aux évêques nommés par l’Etat français, l’Empereur essaya de s’appuyer sur les restes du gallicanisme qu’il avait lui-même détruit ; il fut très mollement soutenu, et l’édifice qu’il avait restauré, chancelant par la base, menaçait ruine de toutes parts. Pour se venger de sa déconvenue, il dénonça le Concordat, multiplia les mesures persécutrices, convoqua un concile national : Rome ne céda pas, et, l’Empire une fois disparu, en dépit d’un retour offensif de l’opposition gallicane, la Restauration dut revenir au régime réparateur du Concordat de 1801.

A la faveur de ce régime, la religion avait connu une nouvelle période de prospérité ; mais en 1830 la Révolution devait lui faire payer un peu cher la protection que la légitimité restaurée lui avait trop généreusement octroyée. Dissocier ces deux causes, telle fut l’œuvre de Lamennais et du groupe de l’Avenir ; mais Lamennais était un esprit excessif, et il fut condamné. Conservant toutes les parties saines de Lamennais, son anti-gallicanisme, son goût de la liberté, ses tendances sociales, Lacordaire, Montalembert, Ozanam surent ramener au catholicisme les sympathies de l’opinion et, grâce à eux, la Révolution de 1848 ne fut pas antireligieuse. Mais quand la loi Falloux eut assuré aux catholiques français la liberté d’enseignement, ils se divisèrent sur la plupart des questions d’ordre politique et théologique qui se posaient à eux. Le Concile du Vatican vint mettre fin à toutes ces discussions, donner le coup de grâce au gallicanisme, tandis que, par la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, la France mystique recevait une satisfaction qu’elle réclamait depuis plusieurs siècles.

Depuis 1870, les rapports de l’Église et de l’Etat français ont été presque constamment très tendus : mais l’indifférence ou l’hostilité des pouvoirs civils, bien loin de nuire au développement de l’idée religieuse, semblent au contraire lui avoir plutôt servi de stimulant, s’il est vrai que jamais, depuis deux