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sous-œuvre, avec plus de modération, le dessein de la Réforme, son rêve illusoire d’un retour à un christianisme primitif, austèrement immuable. De grandes âmes religieuses y vécurent, qui s’associèrent à l’effort commun contre les protestants et contre les libertins : le traité De la perpétuité de la foi, d’Arnauld et Nicole, et les Pensées de Pascal sont une date dans l’histoire de l’apologétique chrétienne.

Au point de vue religieux, Louis XIV a continué assez imparfaitement l’œuvre de Louis XIII. Se considérant comme le « capitaine » d’un vaisseau dont le Pape était le « pilote, » il aurait volontiers dicté des ordres au pilote et volontiers aussi il lui aurait imposé sa théologie. Son orgueil, son esprit d’autorité le mirent à deux doigts d’un véritable schisme, que la souple habileté de Bossuet sut épargner à la France. Louis XIV se fit d’ailleurs, contre toutes les hérésies, le défenseur intransigeant de l’orthodoxie doctrinale : il persécuta âprement les Jansénistes ; il s’employa, avec un zèle excessif, à faire condamner le quiétisme ; enfin et surtout, il commit la faute inexpiable de révoquer l’édit de Nantes, de traquer et de proscrire les protestants, de les acculer à l’exil, au sacrilège ou au martyre : il n’aboutit qu’à réorganiser contre lui une Eglise protestante, qu’à rendre vains les efforts si heureusement tentés par Bossuet pour réunir et réconcilier les deux Eglises. Si ces fautes n’avaient pas été commises, il est difficile de préjuger ce qui aurait pu advenir. Jamais l’Eglise de France n’avait été si puissamment attirante : elle avait réalisé l’union des deux antiquités ; elle avait pour elle la science et la doctrine, l’éloquence, le talent, le génie même ; ses œuvres religieuses, intellectuelles et sociales attestent, en France et hors de France, sa féconde vitalité : Bossuet et Fénelon, Bourdaloue et Massillon, Rancé et Mabillon, saint Jean-Baptiste de la Salle, sainte Marguerite-Marie Alacoque sont les témoins divers d’une vie extérieure et d’une vie cachée qui n’ont jamais été plus riches.

C’est un tout autre spéciale que nous offre le XVIIIe siècle. Non pas que la France des dernières années de l’ancien régime ait manqué d’excellents prêtres, et même de saints. Mais les interminables querelles jansénistes, les fâcheuses docilités gallicanes à l’égard d’un pouvoir royal de moins en moins respectable, les multiples abus qu’a perpétués et aggravés une longue prise de possession indiscutée ont fait à la religion officielle