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milice des Jésuites. Jésuites et décrets eurent de la peine à s’implanter en France, où le gallicanisme ecclésiastique, universitaire et parlementaire leur fit une guerre acharnée. Mais la patience romaine vint à bout de cette hostilité, et les heureux résultats de la réaction catholique ne tardèrent pas à se faire sentir. De tous côtés surgissent des fondations, des restaurations, des importations pieuses : Port-Royal, la Visitation, le Carmel. Prédicateurs, évêques, docteurs, travaillent à rendre à l’antique tradition tout son lustre. Sur le vieil arbre séculaire, la sainteté refleurit avec une magnifique luxuriance : saint Pierre Fourier, sainte Chantal, Mme Acarie, saint François de Sales. C’est manifestement une grande époque religieuse qui va s’ouvrir. Cette grande époque, c’est celle qui s’étend de la mort d’Henri IV au gouvernement personnel de Louis XIV, de la fondation de l’Oratoire à la mort de saint Vincent de Paul. Un nom la domine, celui de cet autre très grand saint français, dont l’action extraordinaire s’aperçoit dans toutes les démarches de la pensée religieuse française, « l’unique et multiple M. Vincent. » Former des prêtres, de vrais prêtres, de toutes les œuvres, — et elles sont innombrables, — auxquelles M. Vincent a mis la main, il n’en est aucune à laquelle il se soit plus fortement et plus constamment attaché. Et telle fut aussi l’inspiration maîtresse de Bourdoise, de Bérulle, le fondateur de l’Oratoire, d’Olier, le fondateur de Saint-Sulpice. Grâce à eux tous, grâce aux séminaires qu’ils organisent sur toute la surface du territoire, le clergé français, par sa science, sa vertu, son ardeur chrétienne de charité et d’apostolat, devient le premier du monde, et, à Rome même, on lui demande des leçons et des exemples. A cette œuvre de rénovation religieuse qui consiste à incorporer au catholicisme toutes les parties saines, légitimes et fécondes de la Réforme, la mystérieuse Compagnie du Saint-Sacrement associe secrètement les laïcs. Et le succès de ces efforts convergents est tel que la France, redevenant la nation missionnaire par excellence, va porter partout, dans le Levant, en Afrique, en Amérique, la flamme libératrice et sacrée de la civilisation chrétienne. Un peu à l’écart du grand courant catholique, s’y mêlant par ses intentions, par quelques-uns de ses héros, par ses plus grandes œuvres, s’en séparant par les tendances de sa théologie et par l’ardeur obstinée de ses controverses, Port-Royal reprend en