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« ne faisait rien que ce qui pouvait peiner le Saint-Père, » mettait en un vigoureux relief la vocation catholique de la France.

Le XIIe siècle est le siècle de ce prodigieux saint Bernard, un de nos plus grands saints français, qui, trente années durant, fut le véritable fondé de pouvoirs de la Papauté, et qui, voyageur infatigable, convertissant, parlant, écrivant, luttant contre les hérétiques, dirigeant des consciences, multipliant les œuvres et les initiatives, prêchant la croisade, a mis sa marque personnelle sur tous les ressorts de l’action et de la pensée religieuses. Après lui, une double hérésie, celle des Vaudois et celle des Albigeois, allait faire courir un grave péril au catholicisme français : pour extirper du sol national ces dangereuses ivraies, il fallut, plus que les procédés violents, et parfois sommaires, de l’Inquisition, l’action apostolique d’un grand pape, Innocent III, et celle des fils de saint Dominique et de saint François d’Assise. Pour les deux fondateurs de l’ordre des frères prêcheurs et des frères mendiants, la France était une terre d’élection qu’il fallait à tout prix conserver intacte pour les futures conquêtes de la vérité chrétienne.

L’avenir n’allait pas tarder à leur donner raison. « La France du XIIIe siècle, a dit M. Emile Mâle, fut la conscience de la chrétienté. » Elle le fut, d’abord, par l’Université de Paris, qui a fait rayonner sur toute l’Europe la supériorité de sa science théologique et qui, en entrant résolument dans la voie ouverte par Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin, a opéré la définitive et féconde réconciliation de la pensée catholique et de la doctrine aristotélicienne ; elle le fut ensuite par la suprématie, universellement reconnue et admirée, de son art architectural ; et elle le fut enfin par l’éclat, le nombre et l’excellence de ses institutions charitables. La personne et la vie de saint Louis, « chrétien d’esprit franciscain faisant besogne de roi, » symbolisent à merveille le magnifique épanouissement de l’idéal religieux français en cette époque fortunée de son histoire.

Les deux siècles qui suivirent, le XIVe et le XVe, sont, au contraire, l’une des périodes les plus troublées de l’histoire française et de l’histoire européenne. La Papauté humiliée et bafouée, par Philippe le Bel, exilée à Avignon et sous la dépendance des rois de France, désordres et scandales dans l’Eglise et hors de l’Église, procès des Templiers, Wiclef et Jean Huss, la guerre de Cent ans et ses misères, la chrétienté divisée contre