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expirant, organisent une active propagande. L’un de ces évêques, saint Hilaire de Poitiers, dont Sulpice Sévère a pu dire que « tout seul, il avait délivré la Gaule de la souillure de l’hérésie, » a lutté toute sa vie avec une énergie admirable contre les progrès de l’arianisme, que favorisait l’empereur Constance. Il a fini par triompher, et c’est grâce à cet évêque gaulois que non seulement la Gaule, mais tout l’Occident chrétien a été définitivement rallié à la foi nicéenne.

Mais en Gaule, cette foi n’avait guère jusqu’alors entamé que les villes. L’évangélisation des campagnes fut l’œuvre de saint Martin, qui, à Ligugé, fonda le premier monastère, fut nommé, contre son gré, évêque de Tours, multiplia les miracles, les conversions, les fondations d’églises et de couvents, fit la « guerre contre les pierres, » c’est-à-dire contre les idoles, et eut, de son vivant même, une réputation extraordinaire. On compte aujourd’hui en France 3 672 paroisses dont le grand missionnaire des Gaules est le patron : ce simple chiffre en dit plus que toutes les hagiographies sur la souveraine efficacité de son action.

Au Ve siècle, la chrétienté gallo-romaine, à peine constituée, allait subir le formidable assaut des grandes invasions des Barbares païens ou ariens. Un moment, on aurait pu croire qu’elle allait succomber, et, de fait, sur plus d’un point du territoire, le christianisme rétrograda au cours de ce siècle étrangement troublé. Mais les moines, les évêques sauvèrent tout ce qu’il importait de sauver. « Que le flot des Barbares vienne se briser contre le Christ, et qu’il se laisse dompter : » ce vers de saint Paulin de Nole symbolise à merveille le rôle de l’épiscopat gallo-romain en face des Germains envahisseurs. Converti par saint Rémi, qui sut voir et prévoir tout ce que l’Eglise pouvait attendre des Francs, Clovis fonda en Gaule une royauté catholique et assura pour de longues années les destinées du christianisme orthodoxe, réalisant le rêve de sainte Geneviève, patronne de Paris, dont il sera un dévot admirateur. « Le très excellent roi qui fut non seulement le prédicateur, mais encore le défenseur de la foi : » c’est en ces termes que saint Rémi définit justement l’œuvre religieuse de Clovis et la mission de la royauté franque.

Cette royauté était encore bien barbare et, par ses ingérences et sa brutalité, elle a fait parfois payer un peu cher à l’Eglise l’appui qu’elle lui prêtait. Celle-ci pourtant, à travers bien des misères et des corruptions, se développait, élargissait son cercle