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II

Pour apprécier à son juste prix la valeur proprement historique de cette Histoire, il faudrait pouvoir en résumer les données essentielles. Mais comment résumer en quelques pages un gros livre, plein, jusqu’à en craquer, de faits, d’idées, de suggestions de toute sorte, et qui n’est lui-même qu’un résumé d’immenses lectures, de longues recherches poursuivies en tous sens ? Essayons pourtant, à la suite de ce guide si courtois et si minutieusement averti, de prendre une vue perspective de l’histoire religieuse de la France.

Passons sur les origines, fort obscures, de la religion gauloise. Cette religion est caractérisée par un fait capital, et plein de conséquences pour l’avenir : l’existence du druidisme, c’est-à-dire d’un clergé organisé et enseignant. « Parce que la Gaule, a écrit saint Thomas, était destinée à être le pays où la religion du sacerdoce chrétien serait la plus florissante, il fut divinement permis que, chez les Gaulois, des prêtres indigènes, les druides, fussent les définisseurs du droit. » La religion gauloise suivit les destinées de la religion romaine. Comment le christianisme pénétra-t-il en Gaule ? On ne peut guère que le conjecturer, les documents directs et positifs faisant défaut. Il semble que Rome et l’Orient aient eu, à cet égard, une influence décisive. Des « chrétientés » semblent, d’assez bonne heure, s’être formées en divers centres urbains. La première qui se révèle à nous, en 177, est celle de Lyon, et c’est pour nous livrer le nom de ses martyrs : l’évêque saint Pothin, sainte Blandine. L’Eglise lyonnaise combat avec ardeur le gnosticisme, et son grand évêque saint Irénée, « explorateur curieux de toutes les doctrines, » a maintenu rigoureusement contre les hérésiarques la vivante tradition qu’il tenait de saint Polycarpe, et, par lui, de saint Jean, « qui avait vu le Seigneur. » Dès ses débuts, par la voix de saint Irénée, l’Église de France préconise « l’accord de toute Eglise » avec l’Église de Rome « en raison de sa prééminence supérieure, » et c’est chez nous que la grande thèse catholique a trouvé son plus chaleureux avocat. Moins éprouvée par les persécutions que l’Afrique et l’Italie, la Gaule, peu à peu, s’ouvrait à la religion nouvelle : à la fin du IVe siècle, plus de cinquante évêchés ont installé leur siège en d’anciennes « cites, » et, en face du paganisme