Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/853

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Avant lui, nous n’avions pas d’Histoire religieuse de la France, — j’entends d’Histoire qui fût véritablement digne de ce nom : — les vingt volumes que l’abbé Jæger a intitulés Histoire de l’Eglise de France ne sont guère qu’une compilation assez indigeste et sans grande critique. Par la qualité et l’abondance de son information, le livre de M. Georges Goyau répond bien à toutes les exigences de la critique d’aujourd’hui. Quand on a soi-même étudié telle ou telle des époques qu’il a successivement abordées, on se rend compte de tout ce que telle phrase, telle épithète même suppose de lectures diverses, de documents maniés, de réflexions longuement poursuivies. Là où le grand public ne verra qu’un lieu commun peut-être, le spécialiste reconnaîtra l’allusion au texte original, au fait précis et peu connu, la lecture rare, l’indication d’une obscure controverse récente ; et il admirera l’exactitude et l’ubiquité d’une érudition qu’il sera difficile, je crois, de trouver souvent en défaut. Peut-être ne sera-t-il pas mauvais d’insister un peu sur ce point.

Il est par exemple, évident pour moi que M. Goyau est très minutieusement informé du dernier état de toutes les questions relatives à Bossuet, à Pascal, à Rousseau, à Chateaubriand, à Lamennais. Il y a certaine ligne de lui sur les rapports de sainte Chantal avec Saint-Cyran qui n’aurait sans doute pas été écrite avant la publication de M. Gazier, en 1914, sur la Mère Angélique et Sainte Chantal. A propos de saint François de Sales, il a visiblement utilisé les remarquables travaux de M. Strowski, de M. Henri Bremond, l’introduction de Dom Mackey, le livre de Mlle Zanta sur la Renaissance du stoïcisme au XVIe siècle, et il me semble bien retrouver dans ses pages l’écho d’un passage du Christus du P. de Grandmaison. Pour son chapitre sur le Protestantisme et la Réunion des Eglises au XVIIe siècle, il a largement profité des belles études de M. Rébelliau, du travail de M. Picavet sur Turenne, de la Préface de M. l’abbé Vogt à son édition de l’Exposition de la doctrine catholique, du si curieux ouvrage d’H. de Lacombe, dont le titre révèle insuffisamment le contenu, Sur la Divinité de Jésus-Christ, controverses du temps de Bossuet et de notre temps. Le Bulletin de la société d’histoire du protestantisme français a manifestement été dépouillé avec le plus grand soin, et M. Goyau a sagement exploité les derniers travaux du pasteur Bost, aussi bien d’ailleurs que ceux de l’abbé Dedieu. Sur