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recours à divers moyens d’ordre pratique dont l’étude relève de l’histoire politique et diplomatique au moins autant, et peut-être plus, que de l’histoire proprement religieuse. D’autre part, la religion étant non seulement une règle de l’activité sociale, mais encore une conception particulière de l’univers et de l’existence, elle offre tout naturellement à l’esprit une matière inépuisable de spéculation : de là, toute une succession ininterrompue de théories ou de systèmes dont les curieuses destinées sont aussi du ressort de l’histoire philosophique, et même de l’histoire littéraire. Enfin, tout en étant action et pensée, la religion est encore, et elle est même surtout une vie, une attitude intérieure qui détermine toute la manière d’être d’une âme, d’un groupe ou d’une époque. Définir cette attitude, en noter les causes et les effets, observer les soubresauts, les brusques élans contagieux, les assoupissements, les réveils, et comme le rythme de cette vie, telle est la tâche essentielle de l’historien religieux. C’est à cela qu’il doit subordonner tout le reste. Le reste, c’est-à-dire la politique et la pensée religieuses, ne sont qu’un reflet, une conséquence, souvent directe, parfois assez lointaine, de l’état moral qui est à la base de la vie religieuse.

C’est de quoi s’est fort judicieusement avisé M. Georges Goyau. Abandonnant aux collaborateurs de l’Histoire politique, diplomatique et philosophique les développements qui ne formaient pas son apanage exclusif, et se contentant d’en indiquer l’amorce, il s’est cantonné fortement, rigoureusement sur le terrain de l’histoire purement religieuse ; il en a exploré avec une admirable activité toutes les dépendances ; il en a dressé avec une pieuse minutie la carte exacte et complète. Ce qu’a été, à travers les âges, la vie religieuse de la France, — la vie extérieure, mais aussi, mais surtout la vie cachée, — les progrès, les conquêtes, les reculs, les tiédeurs d’une ardeur spirituelle qui ne s’est jamais éteinte et qui, bien souvent, a débordé nos frontières, les nuances successives et la qualité intime d’une foi qui, étant vivante, a, durant vingt siècles, fréquemment changé de caractère : voilà ce qu’il s’est attaché à nous bien faire connaître. Pour cela il a eu recours à un procédé infiniment ingénieux et dont on goûtera vivement, je crois, l’originale profondeur. Non content de poursuivre, à travers les textes et les faits, la plus savante enquête psychologique qui ait encore été conduite sur l’histoire morale de la France, et d’en ramasser