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de concorde. Et voilà, bien effectivement, deux catégories de faits, qui dominent l’histoire spirituelle du monde contemporain. Ils sont, dans une large mesure, la conséquence de la Grande Guerre, Maistre eût ajouté : Ils en sont la cause finale... Interrogeant le ciel, c’est d’en haut qu’il les eût contemplés. Nous voulons ici rester sur terre, les noter comme des réalités psychologiques, comme des phénomènes d’ordre spirituel, qui peuvent commander aux destinées religieuses du lendemain. Nous suivrons le regard que jeta sur eux Benoît XV, prélude du concours qu’il sut prêter au travail souffrant des âmes chrétiennes, en gestation d’unité. Interrogeant enfin le passé de Pie XI, légataire de son œuvre et de ses espérances, nous tâcherons d’y trouver quelques lueurs sur l’avenir dont le nouveau Pape devient l’ouvrier, et peut-être l’arbitre.


I. — EXPÉRIENCES ANGLICANES DURANT LA GRANDE GUERRE

Sur l’Yser, sur la Somme, en Orient, des flots de sang britannique coulèrent. Beaucoup de ces soldats étaient des fils de l’Église anglicane. Que pouvait pour eux, après leur mort, la prière de l’Angleterre reconnaissante ? Rien, absolument rien, si l’on s’en tenait aux trente-neuf articles de 1562, règlement primitif de leur Eglise : car ils affirmaient que « la doctrine du purgatoire était une folie inutilement inventée et ne reposant sur aucune garantie scripturaire, » et tout Oremus pour les défunts était dès lors exclu. Ces héros de la guerre croyaient au Christ ou ne croyaient pas en lui : s’ils y croyaient, leur foi lavait leurs consciences, les introduisait au ciel ; et s’ils n’y croyaient pas, leurs péchés étaient sans remède. Silence donc aux prières des survivants ! Au temps d’Edouard VI, le Recueil d’Homélies solennellement approuvé par l’anglicanisme primitif les avait à l’avance découragées et quasiment prohibées, « Ne nous trompons pas nous-mêmes, y lisait-on, en pensant que nous pouvons aider les autres ou que les autres peuvent nous aider par de bonnes et charitables prières. »

Cependant, au cours du XIXe siècle, on avait vu s’installer, dans certaines chapelles de l’Eglise anglicane, l’habitude de prier pour les morts : les négations du XVIe siècle semblaient avoir perdu quelque chose de leur vigueur ; sans les heurter formellement, certaines improvisations liturgiques aidaient