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l’humble nef... Montée lente, sans arrêt, d’une colonne humaine toujours renouvelée, vers des buissons de flammes, au rythme d’un cantique, innombrable, vibrant, dans cette atmosphère close... Ferveur des yeux fixés sur l’archaïque, la dure, un peu terrible figure de la Sainte, dont les premiers rangs s’en vont faire le tour, derrière l’autel, en toucher, en baiser le granit (on voit des mamans, des grand’mères, élever jusqu’à l’immuable tête du XVIe siècle de fraîches, enfantines têtes en radieux bonnets d’argent).

Et puis la grand’messe, en plein air (la chapelle ne pouvant contenir tant de chrétiens), les nappes de fidèles répandus sur le pré sauvage, agenouillés là par familles, tribus de coeffes et chupens pareils, le sourd, nombreux murmure des prières et répons, — et, dans un vaste et soudain silence, à l’instant culminant du rite, les soupirs espacés de l’Océan voisin, ses longs croulements, par derrière, sur les invisibles sables. Et alors, la solennelle bénédiction d’un peuple, le geste auguste d’une lointaine figure dorée, et l’onde mystique propagée sur la nappe de têtes, comme un souffle sur une mer d’épis...

Enfin, l’après-midi, les aspects détendus, heureux de la religion : joie et couleurs déployées librement dans ce paysage de légende où Sainte Anne couronnée apparaît au grand jour. La voici royalement portée, au chant des litanies, tout autour de son pré, par des veuves en noir ramage d’or, — et debout sur sa claie. Madame sa Fille que soutiennent huit vierges gantées de blanc, en longs cornets de dentelle, robes de neige et d’argent. Et derrière la file des autres images, derrière les hautes croix, châsses, reliques, derrière les lignes de chantres et prêtres blanc-vêtus, derrière les pesants labarums de velours où flottent les Bienheureux de Cornouaille, tout le défilé des petits peuples distincts du Finistère, depuis les dignes fermiers en bleu de Plogonnec et de Loc-Ronan, jusqu’aux noirs Léonards de mine espagnole, depuis les plébéiennes hâlées, en simples serre-tête, du pays de Brest, jusqu’aux délicates filles de Châteaulin et de Quimper, jusqu’aux Esquimaudes magnifiques de Pont-l’Abbé, jusqu’aux princesses paysannes de Pont- Aven et de Scaer. Un interminable, rapide cheminement, ponctué de flammes votives.

Tout cela est célèbre. Aujourd’hui, les étrangers affluent à la grande panégyrie, les curieux venus des villes, nous rappelant