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Rien ne réussira pourtant aussi longtemps qu’il n’y aura pas entente absolue entre les autorités supérieures et le général Laperrine. Aussi multiplie-t-il l’expédition, au gouverneur général de l’Afrique du Nord, de ses lettres et de ses communications de rapports. Le professeur Gautier, dans son rapport de 1917, envisage la construction d’un chemin de fer qui traverserait le Sahara ; mais « en attendant le rail, il faut pourtant vivre ; et on peut admettre qu’il est déjà devenu impossible, étant donné l’effet moral produit sur les indigènes, de revenir en arrière sur cette question des autos au Sahara. » Le général corrobore les idées du professeur Gautier. Son activité, comme celle de ses subordonnés, est incessante. Mais il n’est pas secondé en haut lieu. « Il n’y a aucune entente entre les différents services de la guerre... Vous savez quelle mauvaise volonté je rencontre au service automobile d’Alger, Il ne faut plus compter sur lui. »

Le général s’est heurté contre ces rocs... Mais il ne s’y est pas brisé ; il a poursuivi avec ténacité et joyeusement sa tâche. En attendant qu’on l’eût mis en possession du type d’automobiles qui peut convenir au Sahara, il a aménagé les routes ; ce pionnier s’est mué en cantonnier. « Quand je pris mon commandement, les pistes automobiles étaient faites théoriquement de Ouargla à Ghardaïa, à Fort-FIatters, et au Hoggar par Inifel, In-Salah, Tamanrasset ; elles s’arrêtaient à vingt kilomètres avant Fort-Motylinski. » Ces pistes théoriques, il fallait s’efforcer de les rendre pratiques. Là encore, le général appliqua une méthode, et organisa. Mais que de difficultés ! « L’état du sol varie d’un jour à l’autre... Dans cette partie, les équipes de travailleurs ont dû construire un tapis de joncs ; il ne faut pas s’en écarter, car sans lui, il serait impossible de circuler en cet endroit... La piste traverse ce qu’on appelle le terrain pourri... Quand s’élève le vent de sable, le nuage de sable peut atteindre une hauteur de mille mètres et plus ; on peut à peine percevoir un véhicule à dix mètres devant soi, et, en quelques instants, le sable recouvre trace, piste et poteaux repères. Il est, dans ces conditions, très facile de se perdre. » (Rapport du sous-lieutenant André Bellot.) Aussi, le général Laperrine laisse-t-il échapper cet aveu qu’il a été « à une rude école. »

Il a dû aviser à tout. Ces pistes qu’il a fait établir, il a fallu en déterminer l’emplacement. Les reconnaissances ont été effectuées